La SF est-elle un genre littéraire de catégorie B où se mêlent vaisseaux spatiaux, galaxies inexplorées et petits hommes verts ? Si c’est ce que vous croyez, je pense que vous devriez approfondir votre connaissance du genre. Plus intéressant encore, l’écriture d’un roman de science-fiction est un exercice à part entière qui consiste à parler de notre société contemporaine en la projetant dans le futur. La SF, c’est bien plus que des gadgets futuristes et des extraterrestres. C’est aussi un miroir déformant qui reflète les espoirs, les peurs, les aspirations et les défis auxquels l’humanité est confrontée. Dans le même temps, c’est une forme de littérature qui vise à divertir les lecteurs tout en les propulsant vers des horizons inconnus. Et il s’agit d’un sacré défi pour un auteur.
Plus encore, il n’existe pas une seule science-fiction, que l’on réduit bien souvent à :
- une « invasion extraterrestre » de notre monde ;
- un voyage galactique avec des batailles dans l’espace ;
- et l’exploration de planètes peuplées de créatures étranges.
La littérature de science-fiction comporte ainsi de nombreux autres sous-genres, par exemple l’anticipation ou le post-apocalyptique. Ainsi l’écriture d’un roman de science-fiction offre de nombreuses possibilités à explorer pour un romancier. De mon point de vue, c’est d’ailleurs un formidable terrain de jeu autant pour les auteurs que pour les lecteurs.
Alors, quels sont les défis de l’écriture d’un roman de science-fiction ? Réponse dans cet article.
Écriture d’un roman de science-fiction : choisir son genre
Les différents sous-genres de la science-fiction
La science-fiction est un genre incroyablement riche et varié. Voici une exploration des principaux sous-genres.
Le space opera
Le space opera est le sous-genre le plus célèbre de la science-fiction. Il se compose d’aventures épiques ou dramatiques se déroulant dans l’espace. Parmi la masse des romans publiés, le cycle de Fondation (Isaac Asimov) et le cycle de la Culture (Ian Banks) m’ont particulièrement marqué.
Le planet opera
Le planet opera se déroule sur des planètes lointaines et inconnues. L’aventure est liée à une seule planète, souvent très différente de la Terre, avec sa propre sociologie, économie et évolution des civilisations. Dune reste pour moi le meilleur exemple de ce sous-genre.
Le cyberpunk
Situé dans un futur plus ou moins proche sur Terre, le cyberpunk explore un monde chaotique où les progrès technologiques coexistent avec le chaos. Hackers, cyborgs, intelligences artificielles et entités sans visage sont au cœur de ces récits. Well Gibson est l’un des auteurs fondateurs de ce genre avec son mythique Neuromencien (attention, ce n’est pas un livre facile à lire). Si vous aimez les animés, vous avez également Ghost in the shell.
La dystopie ou contre-utopie
La dystopie, c’est une utopie qui a non seulement mal tourné, mais qui s’est transformée en enfer. Écrire une dystopie consiste à s’emparer d’un problème contemporain et à l’exagérer pour mettre en exergue toute son horreur. Parmi les œuvres célèbres, on compte notamment 1984, Le Meilleur des Mondes ou Fahrenheit 451.
Le post-apocalyptique
Après l’apocalypse, une poignée d’individus doivent tout faire pour survivre. Des attaques zombies à la fuite vers l’espace, ce sous-genre explore les conséquences de la fin de la civilisation, et parfois la reconstruction de cette même civilisation perdue. Parmi les œuvres les plus marquantes, l’une d’elles qui me vient tout de suite en tête est une bande dessinée (The walking dead). Mais il y a aussi en littérature l’excellent Je suis une légende. Vous avez également Le Cri des chimères de Marine Sivan dans la catégorie jeunesse.
L’anticipation
Une œuvre d’anticipation décrit le monde dans un futur proche (quelques années ou dizaines d’années). Parmi les romans d’anticipation, je vois depuis pas mal d’années de nombreuses histoires qui décrivent les difficultés de l’humanité en lien avec le réchauffement climatique. Je pense par exemple à Aqua de Jean-Marc Ligny.
Comment choisir son genre de science-fiction ?
L’écriture d’un roman de science-fiction commence tout naturellement par le choix du sous-genre de votre histoire. Vous n’êtes pas obligé de faire un choix, bien sûr, et vous avez tout à fait la possibilité de mélanger les genres.
Cependant, tout cela dépendra de votre sujet. Si vous optez par exemple pour une histoire qui tourne autour de l’intelligence artificielle, le choix le plus indiqué reste le cyberpunk. Cela dit, il est tout à fait possible d’adapter votre sujet à plusieurs des sous-genres susmentionnés. Tout dépendra de l’orientation que vous donnerez à votre roman.
Écriture d’un roman de science-fiction : comment éviter les clichés
La science-fiction a ses propres clichés, comme les extraterrestres verts, les vaisseaux spatiaux en forme de soucoupe volante et les intelligences artificielles rebelles. Or, les lecteurs recherchent des histoires à la fois originales tout en restant familière. Le fameux « the same thing, but differently ». Personne ne souhaite lire un ersatz de Fondation ou 1984.
Pour moi, le meilleur moyen d’éviter tout cela reste de vous emparer des problématiques du monde contemporain, de développer votre prémisse et de créer votre univers à partir de cela. En vous inspirant du monde contemporain, vous aborderez des sujets qui n’ont pas encore été traités. Pourquoi ? Tout simplement parce que chaque époque a ses propres défis.
De plus, un roman réussi et poignant passe souvent par le développement de personnages attachants. Travailler vos personnages, leurs objectifs et leurs problèmes en fonction de votre thématique vous assurera de bien incarner votre récit et de marquer vos lecteurs.
Maintenir la crédibilité scientifique
La Hard SF
Les chefs-d’œuvre de la science-fiction d’autrefois étaient ce que l’on appelle la Hard SF, c’est-à-dire des romans où l’auteur développe dans les détails les aspects scientifiques propres à son univers. Cela pouvait donner parfois des maux de tête aux lecteurs, qui peinaient à comprendre les tenants et les aboutissants de ces technologies avancées.
De plus, tous ces développements n’avaient parfois qu’une faible incidence sur les événements relatés dans le roman.
La SF contemporaine
Cependant, la nouvelle vague de la science-fiction tend à s’affranchir de la Hard SF et de la science pour simplement se concentrer sur l’utilité de la technologie. Ainsi, on n’explique plus pourquoi ou comment telle machine permet de voyager vers l’avenir en brisant le continuum espace-temps. Les romanciers se concentrent davantage sur la manière dont cette invention impacte la vie des personnages, de la société, des structures sociales et des questions morales ou éthiques qui en découlent. Tout ce dont le lecteur a besoin de savoir, c’est que cela fonctionne.
Dans la même veine, on voit l’émergence de ce que l’on appelle la science fantasy, qui mélange ces deux genres phares des littératures dites de l’imaginaire.
Ainsi, l’écriture d’un roman de science-fiction ne passe plus par des recherches approfondies dans divers domaines (parfois très complexes) de la science.
Néanmoins, ne plus avoir besoin d’expliquer les mécanismes derrière vos technologies ne vous dégage pas de l’obligation de travailler la cohérence de votre monde. Il faut que votre technologie soit logique. Et surtout, il vous faut réfléchir aux conséquences de vos inventions sur votre monde.
La théorie de la magie au carré
Par ailleurs, Blake Snyder émet une théorie intéressante qu’il appelle « la magie au carré ». Selon lui, le lecteur ne peut supporter qu’un seul élément magique dans votre monde. Si vous avez par exemple des extraterrestres, si vous ajoutez des elfes et des mages, cela risque de sortir le lecteur de sa suspension d’incrédulité.
Écrire un roman de science-fiction ne signifie pas que vous pouvez faire n’importe quoi. Créativité débridée, certes, mais pas au détriment de la suspension d’incrédulité.
NB : essayez d’éviter l’infodump pour présenter votre monde ; le lecteur veut que votre univers soit intégré en Show dans la narration. Je vois encore trop souvent en bêta-lecture des textes qui présentent tous ces éléments en Tell, parfois sur plusieurs chapitres.
Écriture de science-fiction : captiver les lecteurs
Dans l’écriture d’un roman de science-fiction, l’auteur doit inventer un monde ou des technologies. Le lecteur est très sensible à votre imagination et votre créativité. Il veut découvrir votre univers et les concepts futuristes ou complexes que vous avez développés. Il s’agit là d’un moteur majeur de l’attrait de la science-fiction. La curiosité. La découverte. La recherche de quelque chose d’extraordinaire.
Cependant, les lecteurs de science-fiction souhaitent également des aventures haletantes avec des rebondissements et autres retournements de situation. Ainsi, la création de votre intrigue ne doit pas être reléguée au second plan. La quête de vos personnages doit se révéler tout aussi palpitante que votre monde.
Enfin, il est important de garder en tête le fait qu’un être humain est avant tout câblé pour s’intéresser aux autres êtres humains. Vos personnages incarnent votre récit. Ils doivent être compréhensibles pour les lecteurs, à plus forte raison s’il s’agit d’extraterrestre. Il est important que vos personnages montrent leurs émotions, qu’ils poursuivent un objectif auquel le lecteur peut s’identifier. Peur. Effroi. Amour. L’écriture de science-fiction est avant tout destinée aux êtres humains. Même si vous avez des petits hommes verts dans votre texte… Alors, donnez aux lecteurs ce qu’ils sont venus rechercher : des émotions et de la réflexion.
En d’autres termes, pour captiver vos lecteurs, vous devez travailler l’équilibre entre le monde, l’intrigue, la thématique et les personnages. Sans quoi, votre public sera déçu.
Écrire un roman de science-fiction, c’est un exercice d’équilibriste.
Conclusion
Loin d’être facile, l’écriture d’un roman de science-fiction présente de nombreux défis. Il s’agit principalement de créer un monde cohérent et unique sans pour autant délaisser les personnages ou l’intrigue. De plus, un roman de science-fiction intéressant est une histoire qui aborde des sujets éthiques ou moraux complexes qui fassent réfléchir le lecteur sur des questions contemporaines, qu’elles soient humaines ou technologiques.
Par ailleurs, vous devrez choisir parmi tous les sous-genres de la science-fiction, ou faire un mélange (ce qui est parfois plus difficile à vendre auprès des éditeurs). Ainsi, si vous souhaitez aborder une thématique sociale avec des critiques au vitriol, je vous conseille de vous intéresser en priorité aux dystopies ou à l’anticipation. Bien entendu, tout ceci n’est pas figé.