Écriture d’un roman : comment faire du Show et du Tell ?

Très simple en apparence, le Show et le Tell sont en réalité deux notions complexes qui nécessitent de nombreux essais avant de trouver le bon équilibre. En effet, il est très facile de tomber dans un extrême ou un autre, avec pour conséquences de faire sortir votre lecteur de sa lecture. Flippant, non ? Alors, qu’est-ce que le Show et le Tell ? Comment faire du Show et du Tell ?

C’est ce que cet article essaie de vous expliquer.

Le Show et le Tell sont des notions de narratologie essentielles qui ont trait à la forme de votre roman. Vous n’entendrez donc pas parler dans cet article de structure narrative, de foreshadowing, de construction de vos personnages et ainsi de suite.

Le Show et le Tell correspondent ni plus ni moins à la manière dont vous raconterez votre histoire.


Comment faire du Show et du Tell : mon expérience personnelle d’auteur


Je me souviens encore d’une bêta-lecture que j’ai reçu sur un extrait de 2 000 mots. L’une de mes bêta-lectrices m’a fait une démonstration incroyable de pédagogie. En quelques commentaires à même le texte et une synthèse générale sur mon extrait, elle m’a montré à quel point il me fallait revoir l’équilibre du Show et du Tell dans mes romans.

Pour moi, cela a été un grand moment de bêta-lecture. Car cette bêta-lectrice m’a montré comment faire du Show et du Tell. Je me souviens encore de l’excitation que j’ai ressentie en recevant son retour. Grâce à elle, je savais que j’écrirai mieux mes romans à l’avenir. Grâce à elle, je pourrais rendre mes personnages plus vivants.

Depuis, je n’écris plus mes romans de la même manière. Et j’ai reçu par la suite d’excellents retours à propos de cette évolution de ma plume.


Comment faire du Show et du Tell : « dis-le, ne le montre pas ! »


Vous l’aurez compris, j’ai renversé à dessein dans ce titre l’ordre du fameux dogme : « Show it, don’t Tell it ». Je suis d’humeur taquine en écrivant cet article. 🙂

Qu’est-ce que le Tell

Pour comprendre le Tell et sa nature profonde, il vous faut imaginer un conteur devant une assemblée d’enfants.

« Il était une fois, une fillette si intelligente qu’elle avait appris à lire dès l’âge de trois ans. »

Cette phrase est selon moi un exemple parfait de Tell. En effet, le conteur annonce d’emblée à son auditoire de quel personnage il racontera l’histoire.

Il donne ainsi à son public :

  • l’âge de sa protagoniste,
  • son genre,
  • et son qualificatif principal : son intelligence.

On ne peut pas être plus clair. Le Tell consiste à dire ou raconter une histoire. Le Tell, c’est lorsque l’auteur informe le lecteur, résume une situation, commente ou analyse le comportement d’un personnage.

La faiblesse du Tell

Malgré sa très grande précision, le Tell possède un problème majeur : le Tell est « statique » ; il ne rend pas l’histoire vivante.

En effet, imaginez un récit raconté uniquement avec du Tell. Au lieu d’avoir des dialogues, vous auriez du discours indirect. Au lieu d’avoir des actions, vous auriez une synthèse de ces dernières. Imaginez un conte où, au lieu du climax, vous auriez :

« Au terme d’un combat épique sans merci qui dura cinq heures, le gentil prince pourfendit de son épée le vilain empereur. »

Un tel roman existe probablement. Mais il est beaucoup plus difficile d’accès, car il serait un peu terne et sans émotions pour ses lecteurs.

C’est pour cette raison que l’on conseille (à tort) d’éviter le Tell.

Comment faire du Show et du Tell : quand utiliser le Tell

Contrairement à ce qu’affirme le dogme « Show it, don’t Tell it ! », le Tell ou l’action de raconter une histoire est une compétence à part entière dans la besace d’un romancier.

Alors, quand est-il plus intéressant d’utiliser le Tell en littérature ?

Faire du Tell pour être compris du lecteur

Je me souviens d’une table ronde où une autrice qui a publié plus de 14 romans est revenue sur les notions de Show et de Tell. Dans son intervention, cette romancière regrettait que son public n’ait pas compris la fin de l’un de ses premiers romans. En substance, elle disait ni plus ni moins que plus jamais elle n’écrirait un livre qu’avec du Show. Plus encore, elle affirmait ceci :

« Si je veux être sûre que mes lecteurs me comprennent, alors j’utilise le Tell. »

Si je nuancerais un peu cette affirmation, je reste néanmoins très en accord avec son propos. Le Tell a l’avantage de faire passer un message clair et sans ambiguïté.

Par exemple, vous pouvez dire :

« Albert était quelqu’un de très méchant. »

Le public comprendra d’emblée le message que vous souhaitez faire passer. Le Tell permet à un auteur d’être clair et précis. Dans des romans pour adultes, l’ambiguïté n’est pas un problème. À partir d’un certain âge, un être humain est capable de qualifier de lui-même le comportement d’autrui grâce à son vécu.

Cependant, dans des romans destinés par exemple aux adolescents, il est préférable de parfois utiliser le Tell pour désambiguïser et qualifier avec précision les comportements d’un personnage. Cela peut rassurer le lecteur, qui voit ainsi confirmer sa perception du personnage :

« Ouah ! Je le savais : Albert est méchant ! Autrement, il n’aurait pas donné un coup de pied au chat ! »

Le Tell est aussi beaucoup employé en littérature jeunesse.

Faire du Tell pour éviter de vous répéter

Imaginez que vous avez montré à deux reprises déjà la même action. Par exemple, vous avez montré qu’Albert, en plus d’être méchant, ne sait pas compter. Il est devant sa caisse enregistreuse et il rend mal la monnaie. Le pauvre confond les pièces de 2 euros avec celle d’1 euro…

Si un autre client approche, au lieu de montrer une troisième fois la même chose (ce qui ennuiera votre lecteur à coup sûr), alors l’utilisation du Tell est un outil très utile pour évacuer tout ceci en une phrase :

« Comme d’habitude, Albert se trompa en rendant la monnaie. »

Vous pourrez ainsi concentrer vos efforts et vos mots sur ce qui intéressera vraiment vos lecteurs : comment Albert réagit aux avances de Germaine, qui vient tous les jours acheter une petite babiole dans son commerce.

Faire du Tell lorsqu’il n’y a pas de conflit narratif

C’est un fait : les lecteurs se désintéressent d’un roman où il ne se passe rien. Plus précisément, ils veulent du conflit narratif, c’est-à-dire un moment de friction entre les besoins du protagoniste, l’intrigue et l’univers dans lequel se déroule le récit.

Par exemple, le lecteur se moque du trajet entre la maison d’Albert et la boulangerie. Peut-être même se moque-t-il même de cet épisode, car il n’y pas de conflit narratif. Si c’est le cas, alors il est préférable de ne pas le raconter du tout. En revanche, si Albert croise Germaine à la boulangerie, alors cette rencontre vaut peut-être le coup d’être racontée.

Et quoi de mieux qu’une phrase de Tell pour mettre le lecteur en contexte :

« Albert conduisit sa grosse voiture très polluante jusqu’à la boulangerie où il rencontra Germaine, qui patientait dans la file d’attente. »

Simple et sans accroc.

Comment faire du Tell : les marqueurs linguistiques du Tell dans votre texte

Dans le texte, le Tell se matérialise par un certain nombre de marqueurs linguistiques :

  • des verbes d’état : devenir, paraître, être. Ils expriment une caractéristique ou une condition du sujet, sans impliquer d’action. Par exemple : « Il était grand et blond. »
  • Adverbes : de manière, de temps, de lieu, de quantité, etc. Ils modifient le sens d’un verbe, d’un adjectif ou d’un autre adverbe. Par exemple : « Elle marchait lentement vers la sortie. »

Comment faire du Show et du Tell : « montre-le, ne le dis pas ! »


Oui, ce n’est pas parce qu’il s’agit d’un dogme que c’est complètement faux ! 🙂

Qu’est-ce que le Show

Le Show, c’est l’action de montrer une action, et de laisser le lecteur interpréter la situation en fonction de son vécu. Le Show a pour objectif d’illustrer une situation, de la représenter. Plus encore, il aide les lecteurs à visualiser les actions ou le décor, et à dramatiser une situation en y injectant des émotions et des affects.

Au lieu de dire : « Albert est méchant », le romancier doit mettre en scène une action qui va induire le lecteur à penser ce que vous souhaitez. Par exemple :

« Albert donna un coup de pied au chat. Celui-ci feula, lança un coup de griffes dans le vide, puis il prit la poudre d’escampette.

— Sale bête ! grommela Albert. »

Ainsi, cette action montre effectivement notre protagoniste, Albert, sous un jour peu flatteur. Et il y a fort à parier que le lecteur ne l’appréciera guère.

Les faiblesses du Show

La très grande faiblesse du Show, c’est son manque de précision.

Imaginez un film ou une représentation théâtrale. Vous voyez des individus agir et discuter ensemble. C’est vivant. Cela bouge. Vous êtes fascinés. Pourtant, lorsque vous discutez de la pièce ou du film avec ceux qui l’ont vu, aucun de vous n’a la même interprétation du comportement des personnages.

En effet, si vous utilisez le Show pour illustrer le même message, il restera un soupçon d’interprétation de la part du lecteur. Reprenons notre exemple d’Albert :

« Albert donna un coup de pied au chat. Celui-ci feula, lança un coup de griffe dans le vide, puis il prit la poudre d’escampette.

— Sale bête ! grommela Albert. »

Une phrase de cet acabit laisse au lecteur la possibilité d’interpréter les événements comme il le souhaite. Albert :

  • n’aime pas les chats,
  • déteste les animaux,
  • est un lâche ; s’il y avait eu un chien de 60 kg en face, jamais il ne lui aurait donné un coup de pied,
  • Etc.

Cependant, une phrase comme celle-ci rend un récit beaucoup plus vivant. Plus encore, le Show est vecteur d’émotions. Or, c’est l’émotion que le lecteur vient rechercher avant tout. D’où son importance capitale dans la narration.

Comment faire du Show et du Tell : utiliser le Show

Utiliser le Show pour transmettre de l’émotion au lecteur

C’est la raison d’être principale du Show : fournir de l’émotion aux lecteurs, leur faire vivre les aventures ou mésaventures des personnages dont ils lisent l’histoire.

Par exemple, lequel de ces deux exemples préférez-vous lire ?

« Albert pensait que toute créature vivante était inférieure à l’être humain. Pour cette raison, il voyait rouge chaque fois que l’une d’entre elles se pavanait devant lui. »

Ou :

« Quelle sale bête ! Non mais regardez-moi l’arrogance de ce chat ? Il se pavane comme s’il était le maître de l’univers. Mais mon coco, tu sais que tu n’as été domestiqué que pour une chose : chasser les souris dans les silos à grains ! De nos jours, tu ne sers à rien sinon bouffer des croquettes, détruire la biodiversité à coups de griffes sadiques et donner des allergies aux humains. Je vais te remettre à ta place, moi ! »

Si vous préférez la première proposition, alors j’arrête d’écrire. 🙂

Plus sérieusement, la deuxième proposition transmet au lecteur les émotions du personnage, ce qui rend ce paragraphe beaucoup plus vivant.

Utiliser le Show pour projeter le lecteur dans une lecture active

Outre les émotions, le Show a pour très gros avantage d’inciter le lecteur à participer à votre histoire. En effet, grâce à son imprécision, le Show oblige les lecteurs à s’immiscer dans les zones de flou de la narration pour y projeter leur propre vécu.

Si l’on reprend ma seconde proposition juste au-dessus, je n’avais pas perçu avant de l’écrire qu’Albert avait une revanche à prendre sur la vie, d’où son agressivité (c’est en tous cas mon interprétation). 🙂 La vôtre pourrait être diamétralement opposée. C’est normal, ce serait lié à notre vécu respectif.

Le Show, c’est le lieu où s’exprime en partie l’inconscient de l’auteur ou l’autrice. Et d’une certaine manière, c’est ce que recherchent les lecteurs qui peuvent eux-mêmes projeter des choses sur les personnages.

Utiliser le Show pour obliger le lecteur à réfléchir

Le Tell est intéressant pour la précision. Cependant, il a pour désavantage d’émettre une vérité définitive.

« Albert est méchant ».

Une affirmation comme celle-ci n’incite pas le lecteur à réfléchir par lui-même, à aller plus loin que le texte.

En effet, le flou est vecteur d’interprétation, de théories et de débats. Or, c’est tout ce qui fait le sel des œuvres de fiction et c’est ce qui intéresse le lecteur par-dessus tout en dehors des émotions qu’il ressent. Avez-vous déjà consulté les commentaires des lecteurs sur des sites comme Babelio ? Ou plus encore, les commentaires présents sur les sites qui diffusent des séries ?

Comment faire du Show : les marqueurs linguistiques du Show dans votre texte

Les marqueurs linguistiques du Show sont des mots ou des expressions qui servent à montrer au lecteur ce qu’il se passe dans une scène, plutôt que de le lui dire. Ils ont souvent une fonction illustrative, descriptive, dramatique ou métaphorique.

  • Verbes d’action : courir, sauter, frapper, sourire, pleurer, etc. Ils expriment une activité ou un mouvement du sujet, en impliquant une dynamique. Par exemple : « Il courut vers la porte. »
  • Interjections : ah, oh, eh, hé, ouf, etc. Elles expriment une émotion, une attitude, une réaction, etc. du locuteur ou d’un personnage, en créant un effet de réel. Par exemple : « Ah, quelle surprise ! »
  • Onomatopées : bang, crac, miaou, tic-tac, etc. Elles imitent un son, un bruit, une voix, etc. en produisant une sensation auditive. Par exemple, pour un coup de feu : « Bang ! ».

Conclusion


Dans cet article, j’ai essayé de vous expliquer comment faire du Show et du Tell. J’ai voulu éviter de vous donner des recettes toute prêtes, comme 80 % de Show et 20 % de Tell. De tels dosages, selon moi, n’ont pas de sens, car ils ne prennent pas en compte la complexité d’un roman et les intentions de l’auteur.

C’est pourquoi j’ai tenu à vous donner des situations concrètes où le Show ou le Tell répondent aux besoins de l’auteur (immersion, clarté, etc.).

Je vous ai également donné des marqueurs linguistiques pour vous aider à identifier le Show et le Tell dans vos textes.

À mon sens, grâce à cet article, vous avez les principaux éléments pour revoir vos textes dans la direction qui vous intéresse le plus.

Selon moi, la maîtrise du Show et du Tell est une compétence incontournable pour un romancier. Plus encore, c’est une notion très complémentaire avec celle du point de vue narratif, qui traite davantage de l’angle de vue de votre récit.


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