Comment créer un personnage de science-fiction ?

Un personnage de science-fiction n’est guère différent d’un personnage de littérature blanche. Après tout, un être humain reste un être humain. Il a des besoins psychologiques et des pulsions que l’on retrouve un peu partout, peu importe la culture ou l’endroit où il évolue. Néanmoins, une telle affirmation mérite d’être nuancée, car l’environnement où un individu grandit a un impact considérable sur son développement personnel.

Or, la science-fiction consiste à mettre en scène des protagonistes dans un univers de fiction futuriste (dystopie, utopie, space opera, anticipation, cyberpunk, etc.). En conséquence, créer un personnage de science-fiction demande beaucoup plus de travail que de créer un personnage de roman de littérature blanche. Pourquoi ? Parce que dans la littérature blanche, le lecteur et l’auteur connaissent en partie l’univers. Les enjeux pour les personnages sont plus aisés à comprendre, dans la mesure où ils sont plus proches de nous. Dans la science-fiction, le romancier doit réfléchir avec soin sur les impacts cognitifs et psychologiques de l’univers qu’il met en scène. Cela lui offre plus de libertés pour imaginer, mais cela le contraint aussi à beaucoup de rigueur.

Plus encore, la science-fiction offre aussi à l’auteur la possibilité de mettre en scène des extra-terrestres ou des créatures non humaines. Et par le pouvoir de la focalisation interne, il peut entrer dans leur tête, et donc initier le lecteur à des modes de pensées fondamentalement différents de ce qu’il connaît.

Dans cet article, je vais essayer de vous donner quelques recommandations pour vous aider à mieux créer vos personnages de science-fiction.


Créer un personnage humain de science-fiction


Les fondamentaux de la caractérisation

Peu importe si votre personnage est :

Les règles de la narratologie et la dramaturgie insistent sur la nécessité de travailler quelques fondamentaux pour être efficace. En effet, peu importe l’univers où l’auteur souhaite plonger ses lecteurs, il doit garder en tête le fait qu’il écrit pour des êtres humains contemporains. S’il ne prend pas cela en considération, le romancier court le risque que son œuvre soit incompréhensible et donc que son livre ne soit lu par personne. Les personnages de science-fiction n’échappent donc pas aux recommandations dramaturgiques et de narratologie.

Parmi les fondamentaux, je vous recommande d’attribuer à chacun de vos personnages :

  • une faiblesse ou faille critique,
  • un objectif tout au long de son apparition dans le roman,
  • un passé,
  • un réseau relationnel riche et complexe,
  • et un monologue intérieur réfléchi.

Si vous souhaitez concevoir un personnage complexe, je vous invite à lire ma méthode des 5 pourquoi.

Créer un personnage de science-fiction : l’impact de l’environnement sur les personnages humains

Je me souviens d’une conversation avec un ami psychologue à propos d’une idée que j’avais eue pour écrire un roman de science-fiction. J’avais imaginé une société en guerre qui élevait à l’aide de robots des enfants nés en incubateurs. Objectifs : créer des soldats à la chaîne. La réponse automatique du psychologue a été : ce n’est pas réaliste à cause des besoins affectifs de l’enfant ; de plus l’être humain n’est pas une pâte à modeler.

Un stratégiste militaire aurait également pu me dire qu’une société aussi avancée sur le plan technologique n’utiliserait pas des humains pour faire la guerre : les machines sont, somme toute, beaucoup plus rapides à construire (et plus faciles à gérer). Mais là n’est pas la question. 🙂

Comprendre un mode de pensée différent

C’est à mon sens l’une des plus grandes spécificités de la science-fiction. Certes, en littérature blanche, l’environnement a un impact. Par exemple, dans une histoire qui se déroule à la campagne au milieu de nulle part, le romancier devra imaginer les résultats de cette enfance « sauvage » pour son personnage. Néanmoins, en science-fiction, l’auteur ne peut s’appuyer sur des ouvrages sociologiques, psychologiques ou autre pour déterminer les conséquences de son monde sur la psyché de ses personnages. Il doit les inventer.

Ainsi, si j’avais tenu à écrire l’histoire que j’ai évoquée en introduction de cette partie, il m’aurait fallu prendre en compte les remarques à ce sujet. Que se passe-t-il dans l’esprit d’une personne qui a grandi sans affection dans le seul et unique but de devenir de la chair à canon ? Il est évident que je n’aurais trouvé la réponse nulle part, puisqu’elle n’existe pas. Le romancier a donc plus de liberté pour inventer une intrigue de science-fiction et des personnages, mais il lui faut également réfléchir bien plus que pour un livre de littérature blanche.

Si vous êtes confronté à un problème de cet ordre, je vous conseille de fonctionner par analogie. Par exemple, dans le cas que je viens d’exposer, on peut imaginer que la lecture d’ouvrages psychologiques sur des enfants qui ont été victimes de graves violences familiales aurait pu m’aider. Il aurait également été intéressant de me pencher sur le cas des enfants soldats. Bref, il s’agit d’essayer de trouver des situations proches pour s’en inspirer.

Conserver néanmoins l’essence même de l’humanité

Cela dit, il est aussi important de garder à l’esprit que l’être humain n’est pas une pâte à modeler. D’une part, il possède son individualité : chacun se construit à sa manière dans des circonstances similaires. De plus, les êtres humains ont des besoins propres à l’espèce : affection, relations sociales, etc.

En conséquence, lorsque vous créez un personnage de science-fiction, vous ne pourrez pas vous abstraire de certaines réalités que nous connaissons tous. Certes, vous pouvez imaginer une société utopiste où l’argent n’existe pas (le cycle de la Culture de Ian Banks). Cependant, les relations de pouvoirs et les échanges entre êtres humains s’effectueront d’une autre manière dans cette société. Il vous revient cependant de les imaginer.


Créer un personnage de roman de science-fiction : le cas des créatures non humaines


Attribuer un objectif aux non humains

Un objectif compréhensible

Il est important que les lecteurs comprennent vos personnages, peu importe leur morphologie (robot, extra-terrestre, intelligence artificielle, créature immatérielle, etc.). Pourquoi ? Parce que s’ils ne les comprennent pas, alors ils se désintéresseront de leur sort. Les enjeux de votre récit auront alors moins d’impact, et vous courrez le risque que le lecteur arrête de vous lire. Attribuer un objectif à vos personnages de science-fiction non humains se révèle donc fondamental, peu importe s’ils ont une importance mineure ou majeure dans votre récit.

Par exemple, dans Terminator (OK, c’est un film, je plaide coupable), l’intelligence artificielle souhaite se débarrasser de John Connor, car celui-ci sera, dans le futur, responsable de sa défaite. Ici, les objectifs ou motivations de l’intelligence artificielle (et du robot envoyé dans le passé) sont clairs : la survie. À défaut de pouvoir éprouver de l’empathie pour une entité qui souhaite exterminer l’humanité, ses actes sont compréhensibles pour les spectateurs. Et c’est ce qui est le plus important.

Dans la réalité, il est rare de connaître le fin mot de l’histoire. C’est même parfois le cas de nos propres actes. Pourquoi ai-je décidé de tromper mon ou ma partenaire ? Pourquoi ai-je décidé sur un coup de tête d’apprendre à faire du saut en parachute ? Nous baignons au quotidien dans un océan d’incompréhension et d’incertitude.

La compréhension, c’est l’apanage de la fiction, et c’est ce que le lecteur vient chercher en lisant votre histoire. Si vous le privez de ces clés-là, alors il éprouvera de la frustration et aura l’impression d’être dupé (anecdote personnelle). 😉 Ce peut être un choix d’auteur (il y a des romans dans ce genre-là), mais c’est un choix qu’il vous faudra assumer.

Un objectif qui donne une dynamique au récit

Les lecteurs ont tendance à avoir des difficultés avec les personnages statiques. Cela est lié au fonctionnement de notre cerveau, qui est programmé pour être attiré par le changement. C’est un mécanisme de survie. Par exemple, vous vous promenez aux abords d’une rivière et vous voyez des remous dans l’eau non loin de vous. Si vous savez qu’il y a des crocodiles dans les environs, je vous assure que ce petit « changement » dans le paysage va susciter votre attention. C’est pour cette raison qu’il est conseillé d’avoir plutôt un protagoniste actif : pour provoquer du changement dans le statu quo et susciter l’intérêt du lecteur pour l’intrigue.

L’un des éléments essentiels à un personnage actif, c’est son objectif. De mon point de vue, les personnages de science-fiction non humains n’échappent pas à cette règle élémentaire de la dramaturgie. Avec un objectif à atteindre, votre personnage non humain pourra agir de manière cohérente pour parvenir à ses fins. Et qui dit action, dit bouleversement du statu quo.

Attribuer une faille à vos personnages non humains

Un personnage parfait est profondément ennuyeux. Prenons l’exemple de Superman (oui, c’est une BD). 🙂 D’un point de vue physique, il est largement supérieur à l’espèce humaine. S’il n’avait aucun défaut, alors l’histoire deviendrait prédictible et ennuyeuse. En deux temps, trois mouvements, il réglerait le problème. Il n’y aurait donc aucune intrigue digne d’être racontée.

Problématique pour un romancier, non ?

De mon point de vue, c’est la seule raison qui justifie l’existence de la kryptonite.

Avoir des attributs qui servent l’histoire

Que ce soient les auteurs ou les lecteurs, tout le monde sait à peu près comment est constitué un être humain. Nous avons un cerveau qui émet des pensées. Nous communiquons par la parole. En conséquence, nous avons tous des difficultés à comprendre le comportement des uns et des autres. Et comme nous sommes une espèce sociale, cela est source de frustrations, de malentendus et de conflits (parfois sanglants).

C’est différent pour une espèce extra-terrestre ou non humaine. Leur morphologie et leurs attributs font qu’ils auront des qualités que nous n’avons pas, mais aussi des failles qui peuvent nous sembler énormes.

Il est donc important pour un auteur de réfléchir aux implications des attributs de ses espèces. De plus, il est beaucoup plus impactant pour le lecteur si ces attributs ont des incidences sur l’histoire. Sinon, le lecteur risque de se demander à quoi tout cela servait.

Des exemples de personnages non humains dans la science-fiction

Un roman que j’avais trouvé plutôt bien fait en matière de création de personnages de science-fiction est Xenocide d’Orson Scott Card. C’est le troisième roman de la saga Ender.

Ce que j’ai aimé dans ce roman, c’est la présence de multiples entités extra-terrestres qui essaient de cohabiter sur une même planète, chacune avec ses objectifs différents. Plus encore, l’auteur avait bien réfléchi aux suites logiques issues des particularités physiologiques de chacun.

On y trouve ainsi :

  • les Pequeninos (autochtones qui ressemblent à des cochons) ;
  • une reine Formics (fourmi extra-terrestre intelligente) ;
  • une intelligence artificielle née des réseaux de communication intergalactiques ;
  • des humains ;
  • et un virus intelligent.

Chacune de ces espèces a besoin d’un écosystème particulier pour survivre et prospérer, ce qui est source de conflits entre les uns et les autres. En plus de la fin capillotractée, j’avais trouvé dommage que l’ensemble de l’action ne soit montré que du point de vue des humains. Néanmoins, si la création de personnages de science-fiction vous intéresse, ce roman peut vous aider.


Conclusion


Concevoir un personnage de science-fiction est difficile. Cela dépend de la morphologie du personnage (s’il est humain ou non) et de son rapport au monde. Plus encore, cela demande de réfléchir aux impacts profonds de l’environnement sur la psyché humaine ou non humaine.

Cela dit, le romancier ne peut se soustraire aux règles élémentaires inhérentes à la construction d’un personnage : par exemple, les objectifs ou les failles des personnages.

Plus encore, si vos protagonistes sont des non humains, l’auteur devra aussi effectuer un très gros travail pour faire vivre ses personnages dans le récit. Faute de quoi, le lecteur risque de ne pas accrocher à l’histoire.


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