Parmi les idées reçues sur les auteurs, il y a celle du romancier qui écrit son histoire du haut de son génie transcendant. Rien n’est moins vrai. Écrire un roman, cela s’apprend. C’est un processus qui est long et qui nécessite de réaliser de nombreux essais pour parvenir à trouver son style et des méthodes de travail qui vous conviennent.
D’un regard extérieur, cela peut paraître impressionnant de facilité. Les techniques de marketing des éditeurs, qui aiment raconter des histoires sur comment ils ont découvert un « premier » roman, n’arrangent pas ces préjugés. Mais ce que les lecteurs ignorent souvent, c’est que derrière cette aisance apparente de l’écrivain « génial », il y a des milliers d’heures de travail et d’apprentissage.
En tant qu’auteur, je ne compte plus le nombre d’erreurs que j’ai commises sur mes manuscrits. Chacune d’elle a été source d’enseignements. Cependant, j’ai perdu beaucoup de temps au début, car je ne maîtrisais malheureusement pas les fondamentaux de l’écriture. Mes romans partaient dans tous les sens, que ce soit au niveau du style, de la construction ou même de l’intrigue. Et très souvent lorsque je bêta-lis un auteur, les problèmes principaux viennent d’une mauvaise maîtrise des fondamentaux de l’écriture d’un roman.
Et c’est ce que j’aimerais explorer avec vous dans cet article pour vous éviter autant d’errances que moi à mes débuts.
Écrire un roman : la nécessité d’apprendre les fondamentaux
Connaître les bases de l’écriture d’un roman
Une expérimentation de jeunesse
Prenons pour commencer un exemple trivial. Je me souviens que, enfant, j’avais essayé de créer un gâteau sans recette. Je ne sais plus pourquoi j’avais décidé cela. Et au fond, on s’en moque.
Je m’étais donc mis en tête de cuisiner ce gâteau tout seul et sans m’appuyer sur un guide. Sur le plan du processus créatif ou méthode de fabrication, j’avais opté pour le plus simple : j’avais mis tout ce que j’aimais dans un même saladier, je crois que j’avais passé le tout au mixeur, puis j’avais fait cuire l’ensemble au four. Inutile de vous dire que le gâteau était immangeable.
Quelle avait été mon erreur d’enfant ? Expérimenter ? Non, surtout pas. Je dirais même plutôt que j’avais eu une bonne initiative. De mon point de vue, mon erreur principale a été d’essayer de cuisiner un gâteau alors que je ne maîtrisais aucun des fondamentaux de la pâtisserie. La farine, ça sert à quoi ? Les œufs, la levure, le sucre et l’huile ?
Je pense que vous avez compris où je souhaite en venir avec cet exemple. Si l’on ignore le goût des aliments, leurs fonctions, la manière dont ils interagissent et les modes de cuisson, alors le résultat ne peut qu’être décevant. Pourquoi ? Parce que ce sont des fondamentaux qu’il faut maîtriser avant d’aller plus loin.
Et le rapport à l’écriture d’un roman dans tout cela ?
Écrire un roman demande également de maîtriser certains fondamentaux. Il y a par exemple le genre dans lequel vous écrivez, la structure narrative ou encore le point de vue narratif.
Cependant, tout comme en cuisine où chaque plat exige de connaître des techniques différentes, chaque roman vous poussera à apprendre de nouveaux procédés littéraires et à innover. Malgré tout, sans les bases, vous risquez, comme moi avec mon gâteau, de n’aboutir à rien.
Cela dit, il me semble important de préciser ici que connaître les bases de l’écriture ne signifie pas « se contenter de faire ce qui existe déjà ». L’innovation est tout à fait possible si celle-ci correspond aux besoins de votre roman. Mais pour innover, il faut déjà savoir ce qui existe déjà. Sinon, l’auteur se contentera de réinventer la roue (et probablement en moins bien).
Écrire un roman : de la maîtrise des bases à l’innovation
Pablo Picasso et l’innovation
Ces tableaux ont tous été réalisés par Pablo Picasso. Plus intéressant encore, les œuvres les plus réalistes et les plus classiques ont été peintes au tout début de la carrière de Picasso. Pourtant, ce sont celles qui, en apparence pour le néophyte que je suis, demandent le plus de maîtrise technique. Et en affirmant cela, j’ai probablement tout faux.
Je suis persuadé que vous voyez très bien où je désire en venir. Picasso a passé une grande partie de sa jeunesse à apprendre les bases et fondamentaux de la peinture. Puis, lorsqu’il les a maîtrisés, il a eu envie d’innover, de dessiner les corps autrement, de sortir des schémas classiques pour découvrir sa propre voie. C’est de cette manière qu’il est entré dans le cubisme et c’est aussi avec cette intention qu’il a commencé à déstructurer les corps qu’il représentait.
Mais avant toute chose, il a appris les bases de la peinture et du dessin. Et c’est le même principe pour l’écriture d’un roman.
Innover en tant qu’auteur
Je me souviens d’une discussion sur un forum d’écriture entre une autrice qui se lançait dans l’écriture d’un roman et un écrivain expérimenté. L’autrice demandait conseil sur la possibilité d’écrire un roman avec une narration à la deuxième personne du singulier. L’auteur maintes fois publié lui a expliqué que cela lui semblait compliqué et difficilement faisable. De fait, cela sortait des normes de l’époque (même encore aujourd’hui d’ailleurs).
Je ne sais pas si l’autrice en question est parvenue à aller au bout de son projet. Cependant, une autre autrice a publié il y a quelques années un roman avec 3 points de vue, chacun écrit à la deuxième personne du singulier. Ce qui paraissait impossible à un moment donné ne l’était peut-être pas tant que cela. Mais je suis persuadé que l’autrice en question avait déjà un peu d’expérience lorsqu’elle s’est lancée dans l’aventure d’une narration en « tu ».
Moralité : si vous souhaitez sortir des sentiers battus, apprenez déjà à connaître lesdits sentiers. Ce n’est qu’après que vous pourrez faire du hors-piste. Et ce n’est pas parce que quelqu’un d’expérimenté vous dit qu’une chose est impossible que celle-ci l’est réellement.
Les fondamentaux à maîtriser pour écrire un roman
Comme énoncé un peu plus haut, il est important de comprendre que chaque roman a ses spécificités. Cela demande donc de connaître et mettre en œuvre des techniques narratives différentes. C’est d’ailleurs ce qui fait la richesse de l’écriture d’un livre et son intérêt pour un auteur. Malgré tout, je pense qu’il existe des fondamentaux à connaître pour écrire un roman.
Voici selon moi les principaux à maîtriser.
Le genre du roman
Écrivez-vous un roman de genre en particulier ? Ce peut être une romance, du steampunk, de la science-fiction, un polar ou encore un policier. En quoi cela est-il important ? Tout simplement parce que chacun de ces genres induit des mécanismes narratifs et des attendus du côté d’un lecteur.
Pouvez-vous écrire une romance sans histoire d’amour ? A priori, non. Et il y a fort à parier que la plupart des lecteurs seraient frustrés si le livre qu’ils lisent ne contient pas ce qu’ils recherchent dans le genre : une relation intime entre 2 ou plusieurs personnes.
Plus intéressant encore, à l’intérieur de chaque genre, il existe de nombreux sous-genres et tropes. Pour continuer avec l’exemple de la romance, vous avez par exemple le trope de l’« ennemi à amant », « ami à amant » et ainsi de suite.
Vous souhaitez écrire un roman de genre, mais que vous n’en maîtrisez pas les codes ? Mon conseil serait de lire 4 ou 5 œuvres qui appartiennent au genre dans lequel vous désirez vous lancer et qui contiennent les tropes que vous voulez utiliser. De cette manière, vous aurez une compréhension des attendus.
Cela dit, rien ne vous empêche de sortir du cadre. Un trope de romance « d’amant à ennemi », cela vous dit ? Bon, j’avoue, je n’ai aucune idée si cela existe déjà, si c’est faisable et s’il y a un public intéressé. Mais je pense que vous voyez l’idée.
La construction des personnages
Les personnages et leur caractérisation sont au cœur même du roman. Ce sont eux qui vont incarner votre récit et permettre au lecteur de s’immerger dans votre histoire.
Or, un personnage est quelque chose de difficile à créer. En effet, il faut qu’il soit à la fois complexe, réaliste et compréhensible pour le lecteur. Et même s’il s’agit d’un antihéros, le romancier doit s’assurer que le lecteur soit intéressé par le sort du personnage. Sans quoi, l’intrigue semblera plate au lecteur, qui passera à autre chose.
En d’autres termes, il est toujours intéressant de vous intéresser à la manière dont vous construisez votre personnage, par exemple en lui attribuant un objectif clair et identifiable qui sert de fil rouge. Mais il y a encore beaucoup de paramètres à prendre en compte. Je pense notamment à la manière dont les personnages interagissent les uns avec les autres.
Le décor ou l’univers du roman
Quelles sont les lois qui régissent l’univers dans lequel évoluent vos personnages ? Comment ces règles influent-elles sur l’intrigue, sur vos personnages et sur la manière dont ils interagissent.
Imaginons que vos personnages évoluent dans un commissariat de police. Ce simple décor engendre de nombreuses implications qu’il vous faudra aborder dans votre intrigue et dans la construction de vos personnages. Par exemple : comment votre protagoniste gère-t-il au quotidien la violence auquel il est confronté ? Quels sont les mécanismes mentaux qu’il a développés pour se protéger ? Comment l’univers bureaucratique influe-t-il sur son travail (et surtout sur l’intrigue) ? Et quel est le rapport du personnage avec cet univers en particulier ?
De mon point de vue, les recherches d’un romancier sont toujours insuffisantes. De plus, un auteur se pose rarement assez de questions. De fait, un écrivain doit accepter que son roman comporte des erreurs, des approximations et des écarts avec la réalité. Mais, ce n’est pas un drame. Le plus important reste de toute manière de parvenir à donner au lecteur une illusion de réalité.
Le plus difficile avec cette partie décor ou univers, c’est bel et bien la difficulté à choisir les éléments les plus pertinents de ces recherches pour votre histoire. Plus périlleux encore, il faut être capable de les retranscrire de manière réaliste et sans ennuyer le lecteur.
Un exercice d’équilibriste à part entière.
La structuration de l’intrigue
Pour moi, on entre ici dans la partie la plus difficile de l’écriture d’un roman. J’ai mis de nombreuses années à comprendre comment cela fonctionnait, et je ne suis même pas encore certain de maîtriser l’ensemble dans sa complexité.
En effet, la structuration de l’intrigue englobe pour moi de nombreux points comme :
- la tension narrative,
- la gestion de l’information,
- la construction de l’intrigue,
- et le schéma narratif.
Chacun des points évoqués ci-dessus englobe de nombreuses techniques d’écriture et mécanismes narratifs. Pour faire une analogie triviale, c’est comme si on parlait des différents modes de cuisson en cuisine. Bref, c’est quelque chose de vaste et de complexe sur lequel de nombreux auteurs se cassent les dents. Néanmoins, je trouve qu’il y a quelque chose de fascinant à se pencher ainsi dans les mécaniques qui régissent le récit.
Le style et la forme
Quand on pense écriture d’un roman, on songe pratiquement aussitôt à « style littéraire » ou encore analyse et commentaires de texte pour ceux qui ont passé leur bac de français. On peut ajouter aussi des termes repoussoirs comme : figure de style.
Il s’agit également d’une crainte très fréquente chez de nombreux écrivains qui commencent à écrire :
« Est-ce que j’ai du talent ? »
Ce qui pousse certains à en faire beaucoup trop lorsqu’ils se lancent dans l’écriture d’un roman.
Honnêtement, en tant qu’auteur, bêta-lecteur et bien entendu lecteur, je me moque de savoir si vous écrivez une litote, une anaphore, une gradation ou une métonymie. Ce qui m’intéresse, c’est l’histoire que vous racontez, les personnages et les émotions que vous parvenez à me transmettre. Et je pense que la grande majorité des lecteurs sont comme moi.
Au passage, mieux vaut rester simple et être clair de mon point de vue, que d’être grandiloquent et abscons. Écrire un roman est un acte de communication bien avant d’être un manifeste d’esthétisme. L’un n’empêche pas l’autre, bien entendu (on a tous en tête l’OuLiPo) ; cependant, ce n’est pas l’objectif primaire d’un roman. Un roman, c’est avant tout une histoire que l’on raconte à un lecteur.
Un conseil : décomplexez-vous vis-à-vis du style. Écrivez ce que vous souhaitez écrire et comme vous souhaitez l’écrire. Vous affinerez votre style avec le temps et les retours de vos bêta-lecteurs.
Ceci dit, il y a pour moi 2 fondamentaux à connaître au niveau de la forme.
Le point de vue narratif
Le point de vue narratif, c’est l’angle sous lequel vous racontez votre histoire. Il en existe 3 :
- le point de vue interne,
- le point de vue externe,
- et le point de vue omniscient.
Je vois encore beaucoup trop d’erreurs de point de vue narratif et cela est dommageable pour votre texte.
Un conseil : choisissez votre point de vue en fonction de votre histoire et de vos objectifs. Et tenez-y vous.
L’équilibre entre le Show et le Tell
Le Show et le Tell sont deux concepts qui sont très simples en apparence, mais qui se révèlent très compliqués à comprendre lorsque l’on commence à les mettre en application.
Le point de vue narratif correspond à l’angle de vue du récit, la caméra du récit si vous préférez. Le Show et le Tell correspondent davantage à la manière dont vous racontez l’histoire.
De manière schématique :
- le Tell consiste à dire l’histoire. Par exemple :
« George se rendit à la boulangerie. Tout le long du trajet, il grommela contre son épouse qui voulait manger du pain frais ».
- le Show revient à montrer l’histoire. Par exemple :
« George grimpa dans sa voiture. Acheter du pain à la boulangerie un dimanche matin, quelle perte de temps ! Il aurait tellement mieux employé son temps devant la télévision à regarder un match de foot. Pourquoi fallait-il que Marthe ait toujours besoin de pain frais le matin ? Ne pouvait-elle pas se contenter d’un quignon rassis pour une fois ? Ou alors du pain de mie ! »
Certains affirment qu’il faut montrer l’histoire au lieu de la dire (Show it, don’t Tell it). De mon point de vue, c’est une simplification dangereuse qui amène certains auteurs à commettre des erreurs. Le Show et le Tell ont tous les 2 leur utilité ; il est donc nécessaire de les employer de manière complémentaire.
Conclusion
Pour écrire un roman, il est nécessaire de maîtriser un certain nombre de fondamentaux. Sans quoi, le résultat risque d’être décevant. Néanmoins, une fois ces fondamentaux assimilés, vous avez la possibilité de vous les approprier et d’innover pour essayer de dépasser ce qui existe déjà.
Cela dit, toute innovation nécessite de passer par un processus d’essais pour découvrir ce qui fonctionne ou non. Et l’un des meilleurs moyens de tester cela en littérature, c’est la bêta-lecture.