Écrire un roman : comment utiliser une structure narrative ?

Pourquoi faut-il prêter attention à votre structure narrative ? Lorsque l’on écrit un roman, la tentation est en effet très grande de simplement raconter l’histoire que l’on a en tête. Sans se soucier de quoi que ce soit. Juste une page que l’on noircit petit à petit pour donner corps à ses idées.

Cependant, écrire un roman demande de respecter quelques fondamentaux. Parmi eux, on trouve la création de personnages complexes, la gestion des points de vue narratifs, mais aussi la structure narrative.

Si un auteur néglige sa structure narrative, il court le risque d’obtenir une histoire qui comporte de gros problèmes de rythme.

Un auteur peut tout à fait travailler sa structure narrative avant la rédaction du premier jet. C’est ce que font couramment les auteurs dits « architectes ». Mais il est aussi possible de structurer son roman après l’écriture du premier jet. C’est de cette manière que les auteurs dits « jardiniers » fonctionnent.

Quoi qu’il en soit, peu importe votre processus créatif, il est important pour un auteur de se pencher à un moment ou un autre dessus. Il est donc fondamental de savoir ce qu’est une structure narrative et comment l’utiliser.


Qu’est-ce qu’une structure narrative ?


Définition de la structure narrative

La structure narrative d’un roman, c’est le squelette de votre récit. Pour décrire les choses de manière imagée :

  • La structure narrative, c’est le squelette autour duquel l’histoire doit se déployer.
  • Une scène correspond quant à elle à la chair, les muscles, les organes et les tendons qui vont recouvrir une partie très localisée du squelette.
  • De son côté, l’intrigue est un assemblage cohérent, complexe et logique de scènes, assemblage qui va finir par recouvrir le squelette.
  • Le style, correspond à la peau, la fourrure ou les habits.

L’ensemble de ces 4 « couches » forme le récit.

En narratologie, la structure narrative se définit comme l’agencement des différentes parties du récit. C’est la structure qui organise l’ordre dans lequel votre histoire est racontée au lecteur. En effet, une histoire est rarement racontée de manière chronologique. Pensez par exemple aux flashbacks, aux ellipses, aux souvenirs et autres informations passées qui sont introduits au lecteur dans la narration. Tout cela a pour objectif de maintenir le rythme du récit et de conserver une certaine tension narrative tout au long de l’histoire.

Les nœuds dramatiques dans une structure narrative

Une structure narrative est un schéma narratif composé de ce que l’on appelle dans le jargon les « nœuds dramatiques » ou les « points pivots » (c’est peu ou prou la même chose). Pour faire simple, le nœud dramatique correspond à une information ou un événement qui modifie le parcours du protagoniste et fait avancer l’intrigue. C’est en général quelque chose de majeur.

Par exemple, dans Hunger Games, la sœur de Katniss Everdeen est choisie pour participer aux jeux. C’est un événement majeur qui influe sur le destin de la protagoniste et qui va la contraindre à faire un choix : perdre sa sœur ou se sacrifier pour elle.

Pourquoi est ce que je vous parle de tout cela ? Eh bien, c’est parce que l’assemblage de ces nœuds dramatiques va générer le schéma narratif de votre récit, c’est-à-dire sa structure.

Le dramaturge Yves Lavandier identifie un certain nombre de nœuds dramatique.

Le climax

C’est le nœud dramatique le plus important et l’obstacle le plus difficile à surmonter pour le protagoniste.

Outre son intensité émotionnelle pour le lecteur, le climax sert à apporter une réponse à la question narrative : le protagoniste a-t-il oui ou non atteint son objectif ? Pour cette raison, le climax se situe à la fin du roman, avant la phase de résolution.

L’incident déclencheur

L’un des événements déclencheurs classiques en romance, c’est la rencontre entre les deux personnages. Dans les romans policiers, c’est la mort de la victime. Sans l’élément déclencheur, il n’y a pas d’histoire.

Pour reprendre mon exemple d’Hunger Games, le tirage au sort de Prim, la sœur de Katniss, pour les jeux correspond à l’élément déclencheur de ce récit. Sans lui, Katniss serait restée toute sa vie dans District 12. Jamais son aventure n’aurait commencé.

L’incident déclencheur est le deuxième nœud dramatique le plus important d’un roman. Il s’agit d’un événement qui vient briser la routine de vie du futur protagoniste. Comment ? Eh bien, il la bouleverse en créant un déséquilibre dans l’existence du protagoniste, déséquilibre si puissant qu’il oblige le personnage à se forger un objectif à atteindre.

Le passage du premier acte au deuxième acte

C’est un nœud dramatique qui est bien souvent mal compris des auteurs. Beaucoup d’entre eux ignorent exactement à quoi il sert et pourquoi il existe. Pourtant, il est capital et il mérite une attention toute particulière.

Ce point pivot matérialise le moment où le protagoniste prend conscience de son objectif et se met en branle. Il se sent alors investi d’une mission. Il me paraît important ici de ne pas prendre mission au sens propre du terme. Cela peut être dans un roman policier le fait de découvrir l’identité de l’assassin. Dans une romance, il peut s’agir de conquérir l’être aimé.

Pourquoi ce point pivot est-il si important ? C’est tout simplement parce que c’est ce passage qui va donner son unité au roman et imprimer la question narrative dans la tête du lecteur. Le protagoniste réussira-t-il ou non à atteindre son objectif ?

Toujours dans Hunger Games, ce passage correspond au moment où Katniss Everdeen décide de survivre aux jeux. C’est grâce à ce nœud dramatique que le lecteur sait que le tome 1 se terminera plus ou moins à la fin de cette édition du Hunger Games par la survie ou non de l’héroïne. Si Katniss Everdeen avait décidé dès le début du tome 1 de mettre à bas le régime, la fin aurait été toute différente. Ou alors le lecteur serait resté sur sa faim (sans mauvais jeu de mots). 🙂

Le coup de théâtre

C’est un nœud dramatique inattendu par le lecteur, mais pas nécessairement par les personnages du récit. On distingue 2 types de coup de théâtre :

1. Le coup de théâtre en cours d’action.

2. Le coup de théâtre en fin d’œuvre.

Pour le coup de théâtre en fin d’action, il s’agit de la toute dernière révélation faite au lecteur. Elle n’apporte pas grand-chose à l’action, mais elle satisfait le lecteur (qui aime être surpris). Elle éclaire souvent tout ce que l’on a pu voir d’un jour nouveau.

Un coup de théâtre très célèbre est celui qui survient à la toute fin du film « La Planète des singes », quand le protagoniste découvre la Statue de la Liberté. Il comprend alors qu’il était sur Terre.

Le climax médian

Il se trouve en plein milieu du roman. C’est un nœud dramatique fort qui relance l’action dans une direction inédite. Les auteurs l’utilisent pour renouveler l’attention des lecteurs. Ce climax médian peut prendre plusieurs formes :

  • un conflit narratif qui s’intensifie (par exemple, la mort d’un compagnon de route qui pousse le protagoniste à devenir sans merci).
  • Ou bien, un événement ou révélation qui jette soudain une lumière nouvelle sur l’action (par exemple, le protagoniste apprend qu’il s’est fait manipuler par l’antagoniste depuis le début).

L’accroche ou cliffhanger

Le cliffhanger est positionné en fin d’histoire (feuilletons, webnovels ou séries littéraires) ou en fin de chapitre. Il sert à susciter chez le spectateur l’envie de connaître la suite. Souvent, il s’agit d’un conflit narratif non résolu ou un coup de théâtre.

Le point de non-retour

On ne trouve pas ce point pivot dans toutes les œuvres. Le point de non-retour peut se définir comme un point à partir duquel le protagoniste ne peut plus revenir en arrière. Parfois, il fusionne avec l’élément déclencheur ou le climax médian.

Le point de non-retour renforce la question narrative et donc l’intérêt et la participation du lecteur. Pourquoi ? Tout simplement parce qu’il indique au lecteur que l’action ne restera pas sans conséquences.

À partir du moment où Katniss Everdeen décide de prendre la place de sa sœur, elle n’a en effet plus la possibilité de revenir en arrière. Surtout lorsqu’elle se retrouve dans le train, en route pour le Capitole. Elle doit aller jusqu’au bout de son choix. Elle le sait, et le lecteur aussi.

Le moment de choix

Le moment de choix correspond à un instant dans la narration où le protagoniste fait face à un dilemme. Sa décision aura des conséquences dévastatrice, quelle qu’elle soit. Pour cette raison, ce point pivot peut parfois se confondre avec un point de non-retour.

Cependant, le moment de choix est légèrement différent dans la mesure où il correspond à l’instant où le personnage se transforme. À ce sujet, John Truby parle très souvent du dilemme moral en lien avec la faille originelle du protagoniste. Par exemple, le personnage a un rapport malsain avec l’argent. Son dilemme à lui serait peut-être de devoir choisir entre devenir pauvre ou garder sa fiancée. Le choix de ce protagoniste définira qui il sera par la suite.

Pour cette raison, on trouve ce nœud dramatique la plupart du temps à la fin du roman, juste au moment du climax.


À quoi la structure narrative sert-elle ?


Donner du rythme au récit

La structure narrative a une importance capitale pour une histoire. Pourquoi ? Tout simplement parce qu’elle qui va impulser le rythme de l’histoire.

Ici, il me semble important de différentier rythme et action, car je vois très souvent des confusions qui ont de très graves incidences sur un roman.

L’action, c’est un événement qui se déroule dans l’histoire. Un roman d’aventure va être ponctué par des scènes de course poursuite ou autre. Un roman psychologique va au contraire être focalisé sur les pensées et les états d’âme du protagoniste. En ce sens, une décision prise par le protagoniste est une action.

De son côté, le rythme a une signification très différente. Le rythme correspond en effet à la manière dont l’auteur va manipuler les émotions de son lecteur pour maintenir son attention.

Par exemple, j’ai bêta-lu un roman où l’auteur avait souhaité impulser à la narration un rythme très vif. Cependant, cet auteur avait confondu rythme, action et scènes d’action hollywoodienne. En conséquences, il y avait des scènes d’action à chaque chapitre ou presque. Cependant, comme il s’agissait toujours du même type de scènes, je me suis ennuyé très vite, car le rythme était monocorde. En effet, l’auteur n’actionnait qu’une seule et même émotion chez le lecteur. Or, un lecteur a besoin d’une variation de rythme pour continuer d’être intéressé par l’histoire.

Travailler sur la structure narrative d’un roman aide donc à :

  • réfléchir à l’intensité des scènes,
  • répartir tout au long du récit des moments pour relancer l’attention du lecteur,
  • et à diversifier le type de scènes dans l’histoire.

Planifier l’évolution des personnages

Un événement ne laisse jamais un personnage indemne. Si votre protagoniste prend un coup de couteau pour la première fois de sa vie, alors il aura des séquelles. Ces séquelles seront à la fois physiques et psychologiques.

Chacun des points pivots cités un peu plus haut va donc avoir une incidence non seulement sur les événements, mais également dans la manière dont le personnage perçoit le monde, dans la manière dont le personnage se comporte.

La structure narrative s’avère donc d’une très grande utilité pour vous guider dans votre récit, notamment si vous avez opté pour une narration qui fait évoluer le protagoniste.


Les principales structures narratives types


Il existe un grand nombre de structures narratives type, la plus célèbre étant la structure en 3 actes. Mais, ce n’est pas le seul modèle à votre disposition.

Les principales structure narratives types :
- structure en 3 actes
- structure en 5 actes
- le voyage du héros

La structure narrative en 3 actes

D’emblée, il est important de préciser ici que les Anglo-saxons et les experts français de la dramaturgie ne sont pas d’accord sur ce qu’est la structure en 3 actes.

La structure en 3 actes à la française

Pour Yves Lavandier, la structure en 3 actes correspond à :

Acte 1
  • situation initiale,
  • élément déclencheur,
  • l’histoire bascule dans l’acte 2 quand le protagoniste prend conscience de son objectif.
acte 2
  • Le protagoniste essaie d’atteindre son objectif.
  • L’histoire bascule dans l’acte 3 lorsque l’on sait si le protagoniste a atteint ses objectifs (réponse à la question dramatique).
acte 3 :
  • Résolution de l’histoire.

Pour le reste, l’auteur peut arranger son récit comme il l’entend, c’est-à-dire mettre en place ses points pivots selon sa convenance. L’important étant que l’auteur comprenne bien ce qu’il fait et qu’il ait bien conscience de la manière dont il joue avec les émotions du lecteur pour les varier.

À noter : il est cependant important que le protagoniste affronte des difficultés croissantes pour préserver la tension narrative.

La structure narrative en 3 actes à l’anglo-saxonne

Les Anglo-saxons sont quant à eux beaucoup plus directifs et prescriptifs dans leur approche. Lorsque l’on parcourt Internet, c’est généralement de modèle de structure narrative en trois actes que l’on trouve sur tous les sites. Ce schéma ressemble beaucoup à la structure du « voyage du héros » de Joseph Campbell.

Comme je vais parler un peu plus loin de cette structure narrative, je ne vais pas trop m’étendre sur les notions abordées (par exemple la partie fun and games, etc.). Les explications seront présentes plus loin.

Acte 1
  • situation initiale.
  • élément déclencheur.
  • le protagoniste prend conscience de son objectif.
acte 2
  • Fun and Games (le protagoniste se fait des amis et des ennemis ; il apprend à survivre dans son nouvel environnement).
  • Climax median.
  • Ventre de la baleine (on l’appelle aussi le réveil de l’antagoniste – l’histoire devient plus sombre tandis que le protagoniste est confronté à des épreuves de plus en plus pénibles pour lui).
  • Fond du gouffre (le protagoniste est au plus bas).
acte 3
  • Prise de conscience du protagoniste.
  • Le protagoniste se relève.
  • Fin de la « bataille finale » (à ne pas prendre au sens propre du terme – il peut s’agir d’une simple conversation).
  • Résolution

Outre les étapes « obligatoires » présentes dans cette structure, on peut remarquer que la coupure entre l’acte 2 et l’acte 3 n’est pas situé au même endroit.

Un exemple de structure narrative en 3 actes

Pour vous aider à comprendre de manière concrète comment fonctionne cette structure en 3 actes à l’anglo-saxonne, voici un petit exemple. Cela me semble important dans la mesure où il s’agit de la structure la plus utilisée de nos jours. Il s’agit toujours du livre Hunger Games.

Acte 1
  • Situation initiale : Katniss Everdeen vit dans le district 12 avec sa mère et sa petite sœur, Prim.
  • Élément déclencheur : Prim est choisie pour participer aux Hunger Games, mais Katniss se porte volontaire à sa place.
  • Le protagoniste prend conscience de son objectif : Katniss prend conscience qu’elle doit survivre aux Hunger Games.
Acte 2
  • Fun and Games: Katniss navigue à travers les tribulations des Hunger Games, établissant des alliances (Rue) et comprenant qui sont ses ennemis (les Carrières).
  • Climax médian : Le Hunger Games commence.
  • Le ventre de la baleine : Katniss doit faire face aux Carrières pour survivre. Elle reçoit l’aide de Rue, mais celle-ci se fait assassiner. Le Capitole annonce alors qu’il est possible d’y avoir 2 vainqueurs s’ils sont issus du même District.
  • Fond du gouffre : Katniss échappe à la mort grâce à l’intervention d’un autre joueur du même District que Rue.
Acte 3
  • Prise de conscience du protagoniste : Katniss réalise que la survie dépend du public du Hunger Games et des alliances stratégiques.
  • Le protagoniste se relève : Katniss et Peeta se rejoignent pour défier les ordres du Capitole.
  • Fin de la « bataille finale » : La confrontation ultime avec Cato ; le Capitole décide qu’il n’y aura finalement qu’un seul vainqueur. Katniss décide d’utiliser sa popularité pour défier les règles des Hunger Games.
  • Résolution : Les règles des jeux sont changées in extremis par le Capitole sous la pression populaire, permettant à deux vainqueurs de survivre. Katniss rentre à District 12.

La structure narrative en 5 actes

La structure en 5 actes

C’est une structure narrative qui se focalise davantage sur les personnages et leur évolution. Elle déploie toute sa puissance si vous souhaitez faire évoluer psychologiquement votre protagoniste. Voici de manière schématique comment elle se décompose.

Acte 1

Dans la situation initiale, le protagoniste ne va pas bien. Il a un problème ; sa vie n’est pas comme il la souhaiterait. Et cela est source de souffrance.

Survient alors l’élément déclencheur. Celui-ci fait tout dérailler au point de le pousser vers un nouvel univers psychologique.

Acte 2

Le protagoniste commence alors à se demander s’il n’existe pas une autre manière de fonctionner, une autre façon de vivre sa vie ou de percevoir le monde. Pour cette raison, il connaît un début d’excitation et de tension, car il entrevoit une nouvelle voie qui se dégage.

Acte 3

Ça y est, le protagoniste pense qu’il a commencé à se transformer. Cependant, l’intrigue revient à la charge (bien souvent l’antagoniste). Le protagoniste contre-attaque avec les nouvelles stratégies qu’il a apprises. Et ce faisant, il se transforme d’une façon irrévocable. Mais les événements continuent de jouer en sa défaveur, de défier ses résolutions, de le harceler.

Acte 4

Le protagoniste se demande s’il peut supporter la douleur du changement ? Il est alors poussé vers une spirale du chaos de plus en plus intense. Les événements frappent ses faiblesses avec encore plus de force. Et le protagoniste se demande s’il a eu raison de changer. Et comme l’opposition s’intensifie, le protagoniste va devoir décider qui il veut être.

Acte 5

C’est le moment où le protagoniste va décider qui il va être ? La tension s’accumule à l’approche de la « bataille finale ».

Un moment d’extase s’empare du protagoniste alors que le protagoniste parvient enfin à reprendre le contrôle des événements. Grâce à cela, il réussit à résoudre ses problèmes, ce qui permet de donner une réponse à la question dramatique : le protagoniste va devenir quelqu’un de nouveau, quelqu’un de meilleur.

Le voyage du héros : une trame narrative issue des mythes et légendes

Le voyage du héros

La trame narrative du voyage du héros contient 12 étapes. Joseph Campbell l’a démocratisée après avoir étudié des mythes et légendes issus de toute la planète.

C’est un schéma qui peut se révéler d’une grande aide si vous travaillez sur un récit initiatique.

Comme vous le verrez ci-dessous, ce schéma narratif s’inscrit dans une structure narrative en 3 actes (vous repérerez certains nœuds dramatiques sans la moindre difficulté). Ce schéma reflète aussi les différentes étapes théoriques qui mènent un individu à mener une quête. Il prend donc en compte certains points psychologiques (par exemple : le refus de l’aventure). Or, ces points psychologiques n’ont rien à voir avec les nœuds dramatiques énoncés un peu plus tôt dans ce guide sur la structure narrative. Il est donc à la croisée entre la structure narrative et la psychologie.

De plus, il est important de comprendre que le voyage du héros est une trame à interpréter de manière métaphorique ; il ne faut surtout pas le prendre au premier degré. En effet, ce schéma peut être utilisé pour autre chose qu’une quête du trésor avec les forces du mal. Ce schéma narratif peut ainsi être adapté pour des romances dans le monde contemporain avec des personnages tout ce qu’il y a de plus ordinaires.

Bref, sans plus attendre, voici les différentes étapes du « voyage du héros »

1 – Le monde ordinaire

Beaucoup d’histoires extirpent le héros de son monde ordinaire pour le propulser dans un monde étrange qu’il ne connaît pas. C’est ce que l’on appelle l’histoire de type « poisson hors de l’eau ». Ce type d’histoire implique que l’on montre avant le quotidien du héros afin de créer un contraste marquant avec le nouveau monde où le héros sera plongé.

2 – L’appel de l’aventure

Le héros rencontre un problème ou un défi à surmonter. Une fois qu’il est confronté à cet appel, il ne peut plus rester dans le monde ordinaire qu’il connaît. C’est l’élément déclencheur. Il établit les enjeux de l’histoire et le but du héros.

3 – Le refus de l’aventure

C’est une question de peur : le héros a peur de l’inconnu, et il refuse de se lancer dans l’aventure. Pour surmonter cette peur, il a besoin d’une influence extérieure (par exemple un mentor) ou un changement de circonstances.

4 – Le mentor

La fonction du mentor consiste à préparer le héros pour que celui-ci affronte l’inconnu. Ils donnent des conseils et parfois des équipements. Malgré tout, à un moment ou un autre, le héros devra affronter l’inconnu, seul.

5 – Franchir le seuil

Le héros est à présent complètement engagé dans l’aventure ; il veut agir et affronter les conséquences de l’aventure. C’est généralement le moment où l’histoire démarre et où l’aventure commence. Cette étape marque le passage de l’acte 1 à l’acte 2.

6 – Tests, alliés et ennemis (Fun and Games)

Une fois qu’il a traversé le seuil, le héros rencontre naturellement de nouvelles personnes (alliés ou ennemis) et il doit affronter de nouveaux challenges. Tout cela lui permet d’en apprendre davantage sur le nouveau monde où il a atterri.

Ces différentes scènes permettent au protagoniste de montrer au lecteur qui il est, comment il réagit dans l’adversité et quelles décisions il prend en état de stress.

7 – L’approche de la cave intérieure

Le héros arrive aux abords d’un endroit dangereux, parfois situé profondément sous terre où l’objet de sa quête est caché. Pensez aux mines de la Moria dans le Seigneur des Anneaux.

Quand le héros pénètre dans cette cave, il franchit un second seuil. Mais avant de le franchir, il prend souvent le temps d’élaborer une stratégie. C’est la phase d’approche.

8 – L’épreuve

Le héros affronte directement ses plus grandes peurs. Il est alors aux prises avec la mort. C’est un moment sombre pour le lecteur, qui ne sait pas si le héros va vivre ou mourir.

Dans cette étape, le héros doit mourir ou paraître mourir pour renaître de ses cendres. Pourquoi ? C’est une forme de symbolisme. L’ancien moi du héros est remplacé par son nouveau moi. Qui plus est, une telle expérience dans la vraie vie ne laisse personne indifférent. Il en est de même en fiction. L’épreuve sert à provoquer le changement chez le héros.

9 – La récompense

Le héros a survécu à la mort. Il s’empare alors de l’objet de sa quête, le trésor. Qui plus est, il obtient son titre de héros en prenant un risque pour sauver la communauté.

10 – Le voyage du retour

C’est le franchissement du seuil qui mène à l’acte 3. Le héros désire retourner dans le monde ordinaire qu’il a quitté un peu plus tôt. Cependant, il n’a pas résolu tous les problèmes liés à sa quête. Le héros peut ainsi être poursuivi par les forces du mal.

11 – La résurrection

Lors d’une épreuve, la dernière, le héros renaît une nouvelle fois. Et cette fois-ci, il sort purifié de l’épreuve. Plus encore, il montre tout ce qu’il a appris lors de l’étape 8.

La résurrection s’avère bien souvent une situation de vie ou de mort.

Et une fois que le héros a survécu, qu’il a réglé tous les problèmes (vaincu les forces du mal par exemple), il peut retourner à la vie ordinaire avec de nouveaux savoirs.

12 – Retour avec l’élixir

Le héros retourne dans le monde ordinaire avec son trésor et ses nouvelles compétences.


Utiliser ces structures narratives


Les avantages de ces structures narratives

Pour un auteur, le principal avantage à utiliser une de ces structures narratives, c’est qu’elles ont fait leurs preuves. Combien d’histoires ont été racontées grâce à elles ? De plus, les mythes et légendes sont issus de traditions orales. C’est-à-dire qu’ils ont été contés des millions de fois jusqu’à atteindre leur forme actuelle. Et les conteurs se sont appuyés sur les réactions de leurs auditeurs pour les faire évoluer. Ces mythes et légendes ont été modifiés, polis d’innombrables fois pour devenir de plus en plus efficaces.

Plus important encore, ces structures ont pour objectif d’imiter les différentes étapes psychologiques qui poussent un être humain à changer de vie ou de manière de penser. D’une certaine manière, ces structures sont réalistes. Plus encore, elles ont une utilité psychologique crucial pour le lecteur : elle lui montre le chemin à parcourir pour que lui aussi puisse faire évoluer son existence s’il le désire.

Enfin, de nombreux lecteurs veulent la même chose, mais en différent. Ces structures se révèlent donc pour eux comme des cookies au chocolat. À moins d’en manger un kilo en une après-midi, il y a peu de risques qu’ils s’écœurent.

Il serait donc contre-productif d’ignorer ainsi cette très riche tradition. Et si vous avez envie d’écrire un récit cookie que les gens dévoreront, pour moi, il n’y a pas à hésiter. Servez-vous de ces structures sans le moindre état d’âme.

Les inconvénients de ces structures narratives

Des structures narratives caricaturales

Pour comprendre les problèmes générés par ces structures, il est important de connaître la manière dont les narratologues et dramaturges travaillent. Leur tâche consiste à compiler des milliers de récits pour en extraire les points communs. Et l’accumulation de ces points communs donnent :

  • la structure en trois actes à l’anglo-saxonne,
  • le voyage du héros,
  • la structure en 5 actes,
  • la structure en 15 points de Blake Snyder (cinéma),
  • ou encore la structure en 22 points de John Truby (cinéma aussi).

De tout cela, je tire plusieurs leçons.

Leçon numéro 1 : Aucun récit ne suit toutes ces trames narratives à la lettre

Cette méthode de travail m’a fait songer aux méthodes utilisées en marketing, notamment celle des persona. Un persona, c’est un client cible idéal. Comment cela marche ? À partir de données statistiques et d’entretiens individuels, l’équipe marketing définit peu à peu le profil type qui est susceptible d’acheter un produit.

Ce qu’il est important de comprendre, c’est que les clients qui vont acheter le produit en question auront tous quelques points communs avec le persona. Cependant, aucun des clients ne cochera toutes les cases de ce persona.

Pour les romans, c’est donc la même chose. Nombreux sont les romans étudiés qui cochaient certaines des cases mentionnées un peu plus tôt. Cependant, tous avaient aussi des spécificités qui les faisaient sortir un petit peu du cadre.

En d’autres termes, aucun récit ne suit exactement toutes ces étapes à la lettre. Et pourtant, ces récits fonctionnent.

Leçon numéro 2 : le risque de la caricature

Chercher à élaborer la trame idéale pour une histoire part d’un sentiment louable : nombreux sont les auteurs qui ont besoin de se rassurer et d’avoir un guide. Cependant, la méthodologie de recherche et de travail me semblerait à revoir à titre personnel. Par exemple, dans des ouvrages de dramaturgie, il est parfois question de « bons films » ou de « films à succès » pour que ce dernier soit pris en considération dans l’étude. Et certains dramaturges n’hésitent pas à dire que tel ou tel film aurait été meilleur s’il avait choisi la méthode et les étapes que ledit dramaturge a extraites de son corpus d’étude. Peut-être ai-je mal lu tout ça, mais dans tous les cas cela me pose me pose de gros problèmes.

Pourquoi être aussi rigide et prescriptif sur le déroulement d’une histoire ?

N’y-a-t-il pas un risque de prophétie autoréalisatrice ? Toutes les histoires doivent être écrites de cette manière-là, donc toutes les histoires commencent à se ressembler parce que les auteurs suivent les bonnes pratiques.

Si aucune histoire ne suit exactement ce déroulé, suivre exactement le schéma revient à écrire une histoire caricaturale qui ne touchera pas le lecteur.

Leçon numéro 3 : fais ce que tu veux

Les dramaturges ne sont donc pas d’accord entre eux sur la structure type ou idéale d’un récit.

Conclusion : il n’existe pas de structure narrative type ; il n’y a pas de loi universelle en narratologie.

En conséquence, un auteur est libre de travailler dans le sens qu’il souhaite, si cela sert son histoire.

De l’aveu même de leurs plus grands apôtres (qui se contredisent à l’occasion, mais là n’est pas le problème), il est important de prendre du recul avec ces structures et de prendre des libertés avec les points pivots.

Des structures narratives qui rendent les histoires prévisibles

Comme de nombreux auteurs les utilisent, ces schémas narratifs rendent prévisible pour le lecteur le déroulement des histoires. Or, la prévisibilité gâche le plaisir de lecture. En effet : un lecteur veut être surpris.

Qui n’a jamais deviné ce qui allait se produire dans un roman, parce que ce dernier suivait un schéma narratif beaucoup trop souvent employé (et parfois très mal) ?

Des structures narratives mal employés par les auteurs

Un autre problème, et non des moindres, c’est le fait que de nombreux auteurs ont tendance à suivre ces schémas pour créer leurs histoires. Ils fonctionnent de la manière suivante :

« Je suis sur une structure narrative en 3 actes. J’ai besoin d’une prise de conscience à la fin de mon acte 2. Eh bien, le héros va prendre conscience qu’ensemble, on est plus fort. Et voilà, ma structure est au poil. J’ai toutes mes étapes. »

Or, en voulant bien faire, ces auteurs abîment leur histoire ; ils affaiblissent ainsi la puissance de leur récit. Pourquoi ? Ils commettent selon moi une erreur dans la manière d’utiliser les structures. Ils forcent en effet leur histoire à rentrer dans une structure narrative.

En quoi cela est-il gênant ? Pour moi, c’est problématique dans la mesure où une histoire doit se dérouler de manière naturelle, organique. Les personnages doivent évoluer à leur rythme. Les événements doivent suivre une logique propre à l’histoire. Or, la structure contraint les personnages et les récits à toujours emprunter les mêmes routes. Et toutes les histoires ne sont pas faites pour rentrer dans ce moule.

Prenons l’exemple d’une histoire de deuil. Les psychologues distinguent 5 étapes dans le deuil. Vous avez forcément connu un deuil à un moment ou un autre de votre existence. Avez-vous connu exactement ces 5 étapes ? Non. Vous en avez probablement traversé plusieurs, mais vous n’êtes pas nécessairement passé par toutes. Il en est de même avec les histoires et les structures narratives.

Comment adapter la structure narrative au récit : ma méthode

Je tiens à préciser ici qu’il s’agit de ma méthode personnelle. Elle fonctionne pour moi, car elle est adaptée à mon processus créatif. Je me permets donc de l’exposer ici pour que d’autres puissent s’en inspirer.

Cependant, ce n’est pas la seule manière de procéder. Je pars du principe que chaque auteur a une manière de faire qui lui est propre.

Si vous ne fonctionnez pas de cette manière là, ce n’est pas grave. Tant que votre méthode fonctionne pour vous, gardez-là.

Quel récit voulez-vous écrire ?

L’une des premières choses à se demander lorsque l’on écrit ou corrige une histoire, c’est quel type de récit vous souhaitez raconter. Un récit plutôt porté sur le mystère (par exemple un roman policier) ? Sur les relations humaines ? Etc.

Pourquoi est-ce important ? Reprenons ma métaphore du squelette. Si vous voulez que votre histoire ressemble à un chat capable de grimper aux arbres, cela ne fonctionnera pas si vous lui donner un squelette de chien. Pour les histoires, c’est la même chose.

Une fois que vous savez comment orienter votre récit, demandez-vous quelles sont les grandes étapes logique de son déroulement. Et adaptez la structure en conséquences.

Ici, l’important est de comprendre qu’il faut adapter la structure au récit (et donc à votre intention en tant qu’auteur pour l’histoire), et non l’inverse.

Voici-ci-dessous un petit exemple pour vous aider à comprendre ma méthode.

Petit exemple concret de ma méthode

Par exemple, vous écrivez une romance (un récit plutôt de type personnage). Et vous mourrez d’envie d’écrire avec le trope très classique « d’ennemi à amants ».

Rien qu’avec ce choix, vous avez déjà de nombreux éléments à prendre en considération. Pourquoi les personnages sont-ils ennemis ? De quelle manière s’affrontent-ils ? Qu’est-ce qu’il va faire que, petit à petit (ou soudainement), ils vont se jeter dans les bras l’un de l’autre ? Leur environnement va-t-il réagir à ce rapprochement étonnant ? De quelle façon eux-mêmes vont-ils se comporter devant cette attirance parfois étrange et incompréhensible ? Comment cette expérience va-t-elle changer la perception qu’ils ont l’un de l’autre ? De quelle manière cela va-t-il influer sur la manière dont ils abordent leur conflit ? Etc.

Phase 1 : dérouler votre histoire

Mon conseil serait tout simplement de dérouler votre histoire dans un premier temps selon votre processus créatif (architecte ou jardinier). Ne vous souciez pas de la structure narrative. Écrivez les étapes logiques de votre histoire. Cela permettra à cette dernière de se déployer de façon naturelle, organique. Ce n’est que dans un second temps que vous travaillerez sur la structure.

Phase 2 : faire émerger les points pivots de la structure narrative

Une fois que le déroulement de l’histoire est à peu près éclairci, vous pouvez vous intéresser à la structure. Comment ? Vous repérez les points pivots que vous avez insérés dans le récit, parfois sans même vous en rendre compte.

Vous verrez, ils se dégageront d’eux-mêmes. Tel événement est un coup de théâtre. Telle situation est un refus de l’aventure. Etc. N’hésitez pas à vous inspirer de plusieurs des structures présentées ci-dessus, tant que cela a un sens pour votre histoire et pour vous. L’important, ce n’est pas de suivre un schéma narratif exact. L’important, c’est :

  • d’avoir une histoire qui se déroule de façon naturelle pour le lecteur,
  • et d’avoir un schéma narratif équilibré qui permette au récit d’avoir un rythme varié.

Si dans le déroulement logique de votre histoire, les parties « l’approche de la cave intérieure » et « l’épreuve » doivent se dérouler au moment de l’incident déclencheur (et pas au milieu), à mon avis il ne faut pas hésiter. Si vous n’avez pas besoin d’une « prise de conscience », alors n’en mettez pas.

Vos bêta-lecteurs seront là pour vous faire des retours et vous aider à ajuster les choses derrière si ces choix narratifs ne fonctionnent pas.

Vous pouvez également profiter de ce moment-là pour vous assurer que votre récit est équilibré (par exemple un ventre mou, un manque de points pivots, ou une très longue digression par rapport à l’intrigue amoureuse, etc.).

À noter : il est rare qu’un récit soit bien équilibré dès le début ; il est donc normal de le réaménager un peu à ce moment-là, si vous constatez des problèmes.

Phase 3 : rendre ces points pivots plus saillants

Une fois que vous avez un récit qui vous semble équilibré, faites en sorte de rendre ces points pivots beaucoup plus saillants. Pourquoi ? Parce que cela vous permet de mieux jalonner votre récit.

Par exemple, votre couple doit faire face à l’adultère (c’est l’un de vos points pivots – par exemple un climax médian). Écartons la découverte brutale de la chose dans le lit conjugal (là on est sur un coup de théâtre qui peut faire penser à un deus ex machina), et imaginons plutôt que l’un des deux partenaires a des doutes. Une grande partie de la partie fun and games et de la tension narrative sera liée à cela. Parfois, votre personnage sera persuadé que son ou sa partenaire le trompe. Il ira même jusqu’à le ou la suivre (ou toute autre variante). Ils auront des disputes à ce sujet. Parfois, votre protagoniste se dira qu’il s’est fourvoyé, que son ou sa partenaire est fidèle, et il éprouvera peut-être même de la culpabilité vis-à-vis de ses suspicions. Bref, le personnage observera son ou sa partenaire de façon assidue.

De son côté, tout aussi ignorant que votre personnage, le lecteur doutera avec le personnage. Et il n’attendra plus qu’une seule chose : connaître la vérité. Y a-t-il eu oui ou non adultère ? Et il n’aura une réponse qu’au moment du point pivot, qui lancera l’histoire et leur relation dans une autre direction. Votre protagoniste a été trompé par son ou sa dulcinée (choc majeur) ? Quel impact cela aura-t-il sur lui et la suite de la relation ?

En fonctionnant de cette manière, vous augmenterez l’impact de ces points pivots sur votre récit et vous optimiserez la tension narrative. De plus, cela donnera une certaine unité à votre récit et vous évitera d’avoir une suite continue de péripétie pour « boucher les trous ».


Conclusion


Les structures narratives sont donc de formidables outils pour un auteur. Leurs mécanismes ont, de plus, été éprouvés avec le temps. Cependant, la majorité d’entre elles sont issues de schémas statistiques (3000 histoires à succès ont un climax médian, donc toutes les histoires doivent avoir un climax médian). Or, aucune histoire ne correspond exactement à ces schémas. C’est pourquoi il est important de savoir expérimenter avec ces structures pour en tirer le meilleur.

Pour pouvoir expérimenter avec ces structures, il est important d’utiliser un synopsis détaillé de manière à bien les baliser. Pour les personnes visuelles, il est aussi possible de procéder avec un tableau blanc et un marqueur ou encore un logiciel de diagrammes comme draw.io.


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