Faire une bêta-lecture : comment annoter un texte ?

Avez-vous déjà commenté le texte d’un auteur ? Annoter un texte, c’est un exercice complexe. Pour ma part, j’ai remarqué deux tendances depuis que j’ai commencé la bêta-lecture en 2016. Certains bêta-lecteurs annotent à peine le texte, une fois par page, parfois moins. Et d’autres bêta-lecteurs, au contraire, commentent le manuscrit au point qu’il devient difficile de s’y retrouver dans la masse de commentaires.

Plus intéressant encore, comment savoir ce qu’il faut commenter ? Est-ce qu’il faut indiquer la moindre virgule manquante dans le roman ? Faut-il noter tout ce qui vous passe par la tête ? Ou bien, au contraire, choisir avec soin les passages que l’on met en avant ? De mon point de vue, tout dépend du contexte.

J’ai essayé de répondre à toutes ces questions dans ce petit article. En espérant qu’il vous soit utile !


Qu’est-ce qu’une bêta-lecture ?


Définition de la bêta-lecture

La bêta-lecture est une phase essentielle dans l’écriture d’un roman. De manière générale, la bêta-lecture consiste à tester un roman. Il s’agit de demander à un lecteur de relire le manuscrit, de l’analyser et de faire à l’auteur un retour constructif sur :

  • ce qu’il a réussi,
  • ce qui est moins réussi,
  • et ce qui pourrait être amélioré.

À noter : une bêta-lecture reste un avis subjectif que l’auteur n’est pas obligé de suivre.

C’est bien gentil, tout ça, mais à quoi cela sert, une bêta-lecture ?

À quoi sert une bêta-lecture ?

L’écriture d’un roman : un travail bien souvent solitaire

À l’inverse de nombreuses professions, l’écriture d’un roman est une activité solitaire.

Certes, un auteur doit savoir s’entourer des bonnes personnes, qui lui apportent soutien et conseils. Aucun auteur n’écrit dans une tour d’ivoire.

Cependant, il ne s’agit pas d’une co-construction comme l’écriture de scénarios pour le cinéma où plusieurs individus collaborent avec le ou les scénaristes.

Les exigences des maisons d’édition

L’auteur est seul devant son écran d’ordinateur. Il prend toutes les décisions. Il lui est donc difficile d’avoir du recul sur son texte, surtout s’il y passe des centaines d’heures.

De plus, il est important de savoir qu’une maison d’édition recherche des textes qui :

  • sont déjà très aboutis,
  • ont un potentiel commercial,
  • et qui correspondent à leur ligne éditoriale.

En conséquence, c’est une erreur pour un auteur de penser que si le manuscrit est moyennement abouti, alors l’éditeur l’aidera à le corriger. Un éditeur reçoit parfois des dizaines de manuscrits par jour. Il est submergé de travail. Il n’a pas le temps d’aider un auteur dont la qualité du roman ne lui semble pas au niveau de ce qu’il recherche. Ce n’est malheureusement pas son travail.

De plus, la situation économique de nombreuses maisons d’édition et le marché du livre sont compliqués. L’éditeur préfère les valeurs sûres : passer du temps pour un auteur qui n’a pas encore fait ses preuves et dont le manuscrit lui paraît trop juste n’est pas rationnel de son point de vue. C’est un gaspillage d’énergie. Mieux vaut se concentrer sur les manuscrits où il n’y a que des transformations mineures à réaliser.

D’où l’intérêt de la bêta-lecture.

La bêta-lecture comme moyen de pallier ces problèmes

C’est pour ces deux raisons que le bêta-lecteur est un acteur important dans la création d’un roman. En effet, il est l’interlocuteur de l’auteur pour l’aider sur son histoire. Le bêta-lecteur aide ainsi l’auteur à :

  • prendre du recul sur son texte ;
  • faire mûrir et évoluer l’histoire dans la direction souhaitée par l’auteur ;
  • rendre le texte plus percutant, tant sur le fond que sur la forme ;
  • comprendre ses points forts en tant qu’auteur ;
  • et aussi à découvrir les points d’attention de son écriture.

Outre augmenter ses chances de produire un manuscrit qui plaise à un éditeur, la bêta-lecture permet aussi à un auteur de progresser dans sa pratique de l’écriture.

La qualité de la bêta-lecture est donc essentielle pour un auteur, si ce dernier souhaite monter en compétences. Et faire une bonne bêta-lecture, cela ne s’improvise pas. L’une des compétences les plus importantes du bêta-lecteur consiste à savoir annoter un texte.


Annoter un texte en bêta-lecture : quels sont les besoins de l’auteur ?


Annoter un texte : que veut l’auteur ?

Avant même de se poser la question de comment annoter un texte, il est important de s’interroger sur les besoins de l’auteur.

Un bon bêta-lecteur doit interroger l’auteur pour savoir si ce dernier souhaite que le bêta-lecteur s’intéresse tout particulièrement à tel ou tel point.

Par exemple, j’ai bêta-lu un roman jeunesse de 140 000 sections espaces comprises pour une autrice déjà publiée. Elle souhaitait en particulier que je m’intéresse aux harmoniques du texte. Une telle demande nécessite donc de s’intéresser à toutes les lourdeurs d’expression, mais aussi les sonorités à l’intérieur même des phrases. Les répétitions de sons, notamment. Sa demande était en adéquation avec son roman jeunesse, qui avait des tonalités très poétiques.

Annoter un texte : les angles morts de l’auteur

Tout récemment, j’ai livré une bêta-lecture à un auteur. Comme de coutume, je lui ai demandé ce dont il avait besoin avant de me mettre au travail. Il m’a affirmé avoir déjà fait appel à des bêta-lecteurs amateurs et il souhaitait que je relise son texte pour voir si les corrections effectuées fonctionnaient bien. A priori, son roman était plutôt abouti pour lui.

Sur le fond, il avait raison : les personnages étaient très bien campés, son univers de fantasy bien construit, son intrigue aboutie et bien structurée. Il avait des aménagements à réaliser, notamment au niveau du rythme, mais ils étaient mineurs, de mon point de vue.

Par contre, sur la forme, il avait de très grosses améliorations à apporter au texte. En effet, les multiples imprécisions de style présentes dans son manuscrit nuisaient vraiment à l’expérience de lecture. Or, cet auteur n’avait pas conscience de ce souci. Il ne pouvait en conséquence pas me demander de m’intéresser à ces problèmes.

Il ne faut donc pas seulement annoter un texte selon les vœux de l’auteur. Sinon, ce serait perdre toute la valeur ajoutée de la bêta-lecture : à savoir, aider l’auteur à prendre du recul sur son œuvre et sa technique.


Annoter un texte : prendre en compte la sensibilité de l’auteur dans les remarques


La sensibilité de l’auteur

Annoter un texte, c’est loin d’être une action anodine pour un auteur.

L’auteur a passé des centaines d’heures sur son manuscrit. Il a développé un lien affectif très fort avec son roman. Pour faire une comparaison très douteuse, c’est comme si vous preniez un bébé. Vous gribouillez un peu partout son visage avec du maquillage en prenant soin de mettre en évidence tous ses défauts. La réaction des parents risque d’être aléatoire. Vous aurez le droit à :

  • « Oh, le petit gremlins ! » accompagné de rire,
  • ou à une petite explosion de colère.

Chaque auteur est différent de ce point de vue. Et il vous faut en tenir compte.

Annoter un texte : optez pour une communication non violente

Lorsque vous annotez le texte d’un auteur, je recommande donc deux choses :

  • séparez l’auteur du texte (c’est le texte que vous évaluez, pas l’auteur) ;
  • restez sur votre ressenti ;
  • et surtout, ne vous substituez pas à l’auteur.

Comment cela se traduit-il concrètement dans la réalité ? Il s’agit d’utiliser des techniques de communication dites non violentes. Par exemple, il vaut mieux éviter des formulations comme :

« Ton texte est bourré de problèmes de points de vue. ENCORE un exemple ici ! Il FAUT que tu écrives ça comme ça, pour que ton point de vue fonctionne ! »

Ici, le bêta-lecteur utilise des formules accusatoires (le possessif « ton » est à éviter), il est presque vindicatif avec des mots en majuscule, il s’exprime sans se soucier de la sensibilité de son interlocuteur et il se substitue en plus à l’auteur.

Bref, si vous avez un auteur sensible en face, vous allez tout droit au conflit, ou alors l’auteur cessera de vouloir collaborer avec vous, ou encore vous le dégoûterez de l’écriture si vous ponctuez de ce genre de remarques sur tout le manuscrit.

Préférez plutôt des remarques comme celle-ci :

« Je trouve la gestion du point de vue narratif gênante dans ce texte. L’utilisation un peu flottante du point de vue me sort très régulièrement de ma lecture. Voici un exemple que je trouve très représentatif de ce problème général. Chaque fois, j’ai l’impression que l’on change de narrateur au milieu de l’action alors que l’on est sur un point de vue interne. »

Pour moi, une telle remarque sera beaucoup plus facile à accepter par l’auteur. Et la collaboration se révélera beaucoup plus constructive pour tout le monde.


Annoter un texte : le cas du manuscrit tout entier


Annoter un texte en bêta-lecture : le cas d'un manuscrit entier.

Lorsqu’un auteur vous demande d’annoter un manuscrit tout entier, cet auteur vous demande beaucoup de travail. Et il n’en a pas nécessairement conscience. 🙂

Mon conseil, c’est dans un premier temps de lire un extrait du manuscrit pour vous assurer que :

  • le texte est à votre goût ;
  • et que le texte est propre sur la forme.

Quand je dis forme, je ne parle pas ici d’orthographe. Quelques fautes ici et là, ce n’est pas un drame. J’ai déjà bêta-lu le texte d’un auteur qui avait de grosses difficultés en la matière, cela ne m’a pas dérangé. Annoter un texte, cela ne signifie pas corriger les fautes de grammaire ou de conjugaison. Bêta-lire, c’est analyser un manuscrit. De fait, je n’ai effectué dans son manuscrit aucune remarque sur l’orthographe (il m’avait prévenu du problème à demi-mot). Et la forme du texte était de manière générale plutôt très bonne.

Quand je dis forme du texte, je parle davantage de la narration. Est-elle agréable ? Est-ce qu’elle coule toute seule lorsque vous la lisez ? Est-ce qu’elle vous emporte ? Si vous devez au contraire relire chaque phrase, alors vous risquez d’avoir un problème avec l’ensemble du manuscrit.

Mais si le manuscrit est à votre goût, alors foncez !

Annoter un manuscrit entier : devez-vous être exhaustif ?

De mon expérience de bêta-lecteur, annoter un texte peut se révéler contre-productif si l’on essaie d’être exhaustif. En effet, si le bêta-lecteur recherche l’exhaustivité, cela va engendrer plusieurs problèmes :

  • le bêta-lecteur va s’épuiser ;
  • les commentaires vont être trop nombreux et vont devenir illisibles ;
  • et l’auteur va se décourager quand il prendra conscience de la somme de travail à réaliser.

Pour moi, il est important de se focaliser sur les points les plus importants. De quoi l’auteur a-t-il besoin ? Et quels sont selon vous les principaux problèmes de ce manuscrit.

En vous concentrant là-dessus, vous aiderez l’auteur à améliorer considérablement son manuscrit. L’histoire ne sera pas parfaite, mais elle sera bien meilleure.

Annoter un texte : les problèmes techniques et les incohérences

Annoter un texte aide l’auteur à comprendre concrètement les moments qui fonctionnent plus ou moins bien dans son manuscrit. Il s’agit donc de lui signaler les moments où :

  • sa technique mérite d’être affinée (exemple, le Show et le Tell) ;
  • les incohérences ponctuelles dans le scénario ou le comportement des personnages ;
  • et les moments où le lecteur ne comprend pas ce qu’il se passe.

S’il s’agit d’un problème ponctuel, notez-le dans les remarques. C’est peut-être lié à une erreur d’inattention de l’auteur. Ou alors, l’auteur n’a pas conscience du problème. Quoi qu’il en soit, il pourra se pencher sur la question et prendre une décision : il garde, il modifie ou il enlève.

Si c’est un problème récurrent, alors je vous conseille de ne le signaler que 2 ou 3 fois et d’indiquer à l’auteur que vous ne l’indiquerez plus par la suite. Pourquoi ? Pour ne pas noyer l’auteur.

Prenons l’exemple de descriptions maladroites. Imaginons que l’auteur réalise des descriptions qui vous déçoivent à chaque fois. Ce serait à mon avis contre-productif de le signaler tout le temps. C’est pourquoi il me semble important d’expliquer à l’auteur une bonne fois pour toutes pourquoi vous avez un problème avec ses descriptions. Montrez-lui plusieurs exemples pour lui donner du grain à moudre. S’il y en a, indiquez-lui au contraire les descriptions qu’il a réussies, pour qu’il puisse avoir un point de comparaison. Prévenez-le que ses descriptions posent problème à l’échelle de tout le roman et que vous n’en parlerez plus ensuite pour éviter de vous répéter.

En procédant de cette manière, l’auteur apprendra de lui-même à repérer le problème et à le corriger à sa manière. Vous l’aurez aidé à grandir et à monter en compétences. Tout le monde est gagnant.

Annoter un texte : les ressentis de lecture

De mon point de vue, c’est le principal attrait pour un auteur : obtenir l’état d’esprit du lecteur à chaque instant de son texte.

Pourquoi est-ce utile ? Parce que l’écriture d’un roman consiste à jouer en permanence avec les émotions du lecteur. C’est le même principe qu’avec la musique. L’auteur écrit pour vibrer et faire vibrer ses lecteurs.

Lorsque vous annotez le texte en insérant des commentaires sur vos ressentis, alors vous permettez à l’auteur de voir s’il a réussi son coup. Si vous riez au moment où il a voulu vous faire pleurer, il y a sans aucun doute un problème. C’est donc une information précieuse pour lui.

Annoter un texte en indiquant ses ressentis de lecture, cela consiste par exemple à dire :

  • quel personnage aimez-vous ?
  • quels personnages vous agacent-ils ?
  • quelles sont les péripéties qui vous tiennent-elle en haleine ?
  • quels sont les moments où vous trouvez le temps long ?
  • etc.

Bien entendu, vos commentaires doivent tous être justifiés. Si vous trouvez le temps long, dites à l’auteur pourquoi. Parce que vous vouliez que les protagonistes s’occupent enfin du cœur du problème ? Autre chose ?


Annoter un texte : le cas de l’extrait


Lorsque vous annotez un extrait, les enjeux sont différents et la manière d’annoter un texte ne sera pas tout à fait la même.

Pour moi, lorsque l’on bêta-lit un extrait, il est important d’être plus précis et pointilleux que si l’on travaille sur un manuscrit entier.

Pourquoi ? Parce que cela aide l’auteur à transposer vos remarques à l’échelle de tout le texte. De la même manière, je conseillerais de moins expliquer les problèmes directement dans les commentaires et de garder les explications dans une synthèse générale où vous pourrez rentrer dans les détails et bien argumenter vos ressentis.

De la même manière, sur un extrait, il est beaucoup plus difficile de juger de la cohérence de l’histoire ou des personnages. En d’autres termes, les commentaires se focaliseront beaucoup plus sur la forme et la technique que sur le fond de l’histoire.


Conclusion


Annoter un extrait dans le cadre d’une bêta-lecture est une compétence qui s’apprend. Si vous souhaitez vous lancer, mais que vous avez besoin d’un exemple concret, vous pouvez consulter mon article intitulé : un exemple de bêta-lecture. Dans cet article, j’ai commenté une nouvelle écrite par ChatGPT et j’ai réalisé également une synthèse générale.

De cette manière, vous aurez toutes les clés en main.


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