La notion de sensitivity reading est apparue il y a quelques années en réponse à des courants politiques, sociaux et philosophiques. Malgré une différence de périmètre bien marqué avec la bêta-lecture, certains auteurs font des confusions. Voici quelques éléments d’explication.

Définition de sensitivity reading
Le sensitivity reading ou « lecture de sensibilité » est une discipline qui est apparue il y a quelques années maintenant. Il s’agit de lire un manuscrit en ne se focalisant que sur la représentation de vos personnages.
Un exemple serait plus parlant. Donc, en voici un : vous avez écrit un livre dont le personnage principal est Franco-Iranien. Vous vous êtes bien entendu beaucoup informé sur la question. Néanmoins, vous avez encore des doutes sur la manière dont vous avez traité votre sujet :
Est-ce que je ne suis pas en train de véhiculer un certain nombre de préjugés ?
Est-ce que je ne suis pas en train d’exercer une forme de violence inconsciente sur le groupe de personnes dont je souhaite parler ?
Le sensitivity reader appartient à la population décrite dans le roman. Son but est de traquer les représentations erronées, problématiques ou offensantes. Dans certains cas, il peut aussi aider sur la partie « vie de tous les jours » avec les problèmes quotidiens rencontrés quand on est dans telle ou telle situation.
L’utilisation du Sensitivity reading dans le travail d’un texte littéraire

Comment les auteurs utilisent le sensitivity reading ?
Pour la petite histoire, dans la partie précédente, j’ai pris l’exemple d’un personnage franco-iranien à dessein. Deux auteurices avaient ainsi choisi d’écrire un récit engagé contre le racisme. Néanmoins, leur roman a été perçu par le lectorat comme une incarnation du « sauveur blanc ». Il leur a notamment été reproché de ne pas mettre assez en avant le point de vue du personnage franco-iranien. J’ignore si ces auteurices ont demandé une lecture de sensibilité ou non. Mais si vous avez des doutes sur votre manuscrit, vous pouvez vous épargner de tels retours sur votre roman publié en faisant appel à des sensitivity readers.
À ma connaissance, les auteurs utilisent notamment des sensitivity readers sur les thématiques LGBTQI+, les thématiques liées aux représentations culturelles et plus généralement sur des questions liées à la représentation de la diversité / diversalité dans leurs romans.
J’ai ainsi entendu un auteur qui expliquait avoir demandé de l’aide à un sensitivity reader dans le cadre d’un roman où son protagoniste était en situation de handicap. En effet, outre le simple aspect « représentation », il s’interrogeait sur les défis quotidiens qu’une personne en situation de handicap connaissait au quotidien (je crois qu’il s’agissait d’une fiction historique). Et d’après ses dires, cela lui a beaucoup apporté en terme de réalisme.
J’ai discuté avec une autrice qui avait fait appel à un sensitivity reader pour son roman où elle mettait en scène un personnage hermaphrodite. Ses démarches avaient été entreprises par son éditrice. Mais il n’est pas interdit à un auteur de s’intéresser à ces questions de la représentation avant de proposer son manuscrit à l’édition. Quoi qu’il en soit, le sensitivity reader avait relu le manuscrit sous ce prisme très précis. Et aux dires de l’autrice, très peu de corrections avaient été nécessaires, car elle avait très bien fait ses recherches.
Comment j’ai utilisé le sensitivity reading
À titre personnel, pour un roman en cours d’écriture à l’heure où j’écris cet article, j’ai eu recours à un lecteur de sensibilité. Et bien m’en a pris : cela m’a évité de faire de grosses erreurs de représentation.
Où ai-je trouvé ce sensitivity reader ?
Bon, je l’avoue, je n’ai pas eu à chercher très loin, puisqu’il s’agit de ma seconde moitié.
Pourquoi ai-je fait appel à un sensitivity reader ?
La raison est simple : je sentais que quelque chose ne marchait pas dans mon roman, qui à l’époque en était au stade du synopsis de travail. Pire encore, à un niveau plus ou moins conscient, mon scénario me mettait mal à l’aise sans que je parvienne vraiment à identifier pourquoi.
Comment la « collaboration » s’est-elle déroulée ?
Je n’ai pas eu besoin de démarcher un professionnel, puisque la personne faisait partie de mon entourage proche. Comme le projet en était au stade de synopsis, je me suis contenté de lui raconter l’histoire et de soulever les points qui me gênaient où dont je n’étais pas sûr.
À noter : un sensitivity reader travaille normalement sur le texte fini afin de mieux déceler les problèmes potentiels.
Quel a été le résultat de cette « collaboration » ?
En toute honnêteté, je pensais que cela passait, car je m’estimais à peu près bien informé sur la question. Les retours de sensitivity reading m’ont prouvé le contraire. Et j’ai dû changer tout un pan de mon roman pour éviter de paraître offensant. (Je vous épargne la discute conjugale).
Sensitivity reading et bêta-lecture sont complémentaires
La bêta-lecture se différencie donc du sensitivity reading par le fait que votre bêta-lecteur aura une approche plus globale de votre manuscrit. Il va s’intéresser à ses émotions, mais aussi aux techniques narratives que vous avez mises en œuvre dans votre histoire.
Cependant, le bêta-lecteur ne va pas nécessairement pouvoir vous aider sur certaines questions de fond, comme la représentation de certaines populations dans votre roman. C’est le domaine du sensitivity reader. En effet, il n’aura tout simplement pas les cartes en main pour cela.
De son côté, le sensitivity reader n’a pas nécessairement conscience de ce qu’écrire une histoire implique (conflit narratif, etc.). Cela peut, de fait, rendre la collaboration compliquée. En effet, le sensitivity reader ne comprendra peut-être pas très bien les besoins de l’auteur.
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Conclusion
Le sensitivity reading a une approche différente de la bêta-lecture : il va se focaliser sur la représentation d’une minorité dans un manuscrit alors que le bêta-lecteur va donner un avis sur l’ensemble du roman.
Certains qualifient le sensitivity reading de censure. Pour moi, il s’agit d’une fausse accusation. En effet, lorsque l’on écrit sur un sujet, il est important de se renseigner sur ledit sujet. Si vous ne le faites pas, vous pouvez risquez tout simplement de commettre de grosses erreurs dans votre roman. Par erreur, j’entends des problèmes de cohérence (par exemple : une personne en situation de handicap capable de faire des mouvements normalement impossibles).
Certes, le sensitivity reading est le fruit d’un mouvement social et politique. Il est donc, par nature, orienté. Cependant, c’est aussi le résultat d’un manque d’information des auteurs et autrices qui ont, parfois, écrit n’importe quoi sur certaines minorités.
Quoi qu’il en soit, le sensitivity reader et le bêta-lecteur ne sont pas les seules aides à la disposition des écrivains et écrivaines. Certains auteurs ou autrices ont ainsi recourt à des alpha-lecteur durant le premier jet et des personnes auto-édités engagent aussi des correcteurs professionnels certifiés.
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