Comment créer un personnage anti-héros pour votre roman ?

Quel est le point commun entre Meursault, le Vicomte de Valmont, ou encore Nana (Émile Zola) ? Chacun d’eux est un personnage anti-héros.

Contrairement au personnage du héros, auquel il est facile de s’identifier, le personnage anti-héros va d’emblée provoquer un certain rejet de la part du lecteur. Par exemple, préférez-vous un protagoniste qui caresse un chat ou un protagoniste qui lui donne un coup de pied ? Voulez-vous davantage suivre les péripéties d’un individu qui veut sauver le monde ou celles d’un médecin aigri qui prend plaisir à ridiculiser et critiquer ses patients (Dr House) ?

Pourtant, le personnage anti-héros possède une place à part entière dans la littérature. Plus encore, la force principale de l’anti-héros, c’est justement son imperfection.

Néanmoins, créer un anti-héros est un exercice difficile. Si l’anti-héros est trop sombre ou trop repoussant, alors les lecteurs pourraient se désintéresser de son sort. Si une telle chose se produit, le risque que les lecteurs reposent le roman pour passer à une autre histoire est très élevé. Et un roman qui n’est pas lu est un roman qui disparaît très vite des étales de librairie.

Dans cet article, je vais essayer de vous donner certains trucs d’auteur pour vous aider à réussir votre personnage anti-héros.


Définition du personnage anti-héros


l’anti-héros par opposition au héros

Un anti-héros, c’est un protagoniste qui manque des attributs élémentaires du héros.

Définition du héros

Le héros est par définition un type de personnage qui possède des attributs dit « héroïques ». Les caractéristiques du héros peuvent être :

  • le courage,
  • l’empathie,
  • la noblesse,
  • ou la moralité.

Ce sont la plupart du temps des personnages qui inspirent les lecteurs. Ainsi, par leurs actions, les héros aident les lecteurs à savoir comment réagir dans telle ou telle situation. Prenons l’exemple d’un roman jeune adulte où le protagoniste est en proie à du harcèlement scolaire. Par ses actions, le héros va montrer aux personnes qui lisent le roman de quelle manière il est possible de gérer une situation de cet acabit. Selon sa caractérisation, le héros pourrait :

  • prévenir un adulte,
  • combattre ses harceleurs,
  • trouver un stratagème pour que les harceleurs se discréditent définitivement,
  • etc.

Le héros va donc donner aux lecteurs ou lectrices l’exemple à suivre pour mieux appréhender des événements difficiles de la vie. Plus encore, il va montrer aux lecteurs comment réagir avec classe et brio. Il représente d’une certaine manière l’idéal chevaleresque des temps anciens.

Définition de l’anti-héros

Quelques caractéristiques de l’anti-héros

L’anti-héros est aussi le protagoniste d’un roman. Cependant, ce personnage manque des caractéristiques élémentaires du héros. Si le héros va réagir avec classe et courage, l’anti-héros va au contraire se montrer :

  • couard,
  • retors,
  • désagréable,
  • manipulateur,
  • ou même méchant,
  • etc.
La différence entre un anti-héros et un antagoniste

L’anti-héros se distingue de l’antagoniste par sa place dans le récit : le personnage anti-héros est au cœur même du roman.

C’est l’anti-héros qui va donner le tempo de votre histoire, car c’est le personnage principal.

De son côté, l’antagoniste a pour rôle de s’opposer au personnage principal. Il a donc pour fonction de créer du conflit narratif.

Il s’agit donc de deux rôles très distincts. à mon avis, il est important de bien faire la distinction entre les deux.

Par exemple, dans Les Liaisons dangereuses de Laclos, le Vicomte de Valmont est l’anti-héros qui manipule une jeune fille qui sort tout juste du couvent. Son but : la transformer en libertine pour se venger de sa mère. On est donc ici très loin du héros qui veut sauver le monde.

Toujours dans Les Liaisons dangereuses, l’antagoniste est la Marquise de Merteuil. Cette dernière incite le Vicomte de Valmont à corrompre Cécile de Volange. Plus encore, elle entre en conflit avec le vicomte de Valmont au point que les deux personnages se livrent une guerre par manipulations interposées.


Pourquoi écrire un personnage anti-héros ?


l’anti-héros pour mettre en scène la complexité humaine

Le héros est inspirant. Cependant, il ne reflète pas nécessairement la complexité de la nature humaine. Pire encore, d’un point de vue psychologique, il peut générer chez les lecteurs une forme de complexe. Par exemple, comment une personne qui a des tendances à fuir les conflits et éviter les situations difficiles peut-elle s’identifier aux héros qui foncent toujours tête baissée dans les problèmes ? Plus encore, quelle estime d’elle-même cette personne pourrait-elle avoir si tous les personnages de roman mis en scène étaient des héros qui étaient tous atteints du syndrome du chevalier blanc ?

Au contraire, le personnage anti-héros met en scène la face non héroïque de l’humanité. D’un point de vue psychologique, l’intérêt de l’anti-héros est d’aider les lecteurs à explorer les côtés moins avouables qui sommeillent en eux. Les anti-héros montrent aux lecteurs comment gérer des situations d’une manière différente, par exemple par la fuite, la manipulation ou autre.

Reprenons notre exemple de harcèlement scolaire dans un roman pour adolescents. Imaginons que notre anti-héros est un personnage faible physiquement et très peureux, mais qu’il maîtrise très bien les relations sociales. Pour des raisons qui lui sont propres, ce personnage ne fait pas confiance aux adultes pour régler ce problème. Il souhaite donc résoudre cette situation par ses propres moyens. Avec cette caractérisation, une de ses options serait de manipuler les autres enfants de sa classe pour que ces derniers se retournent contre les harceleurs et que ces derniers deviennent les harcelés. Bref, leur faire goûter à leur propre médecine. D’un point de vue moral ou éthique, la manœuvre est plus que douteuse, mais elle fait partie des instincts de vengeance de l’être humain.

Le personnage de l’anti-héros : montrer les complexité du monde

Le personnage de l’anti-héros aide donc les lecteurs à se poser des questions morales ou éthiques. Plus encore, les anti-héros offrent aux lecteurs de nouvelles perspectives sur le monde qui nous entoure, grâce à la satire ou à une vision très décalée de la société dans laquelle il évolue. Par exemple : la fin justifie-t-elle les moyens ?

Le personnage anti-héros permet de s’interroger sur les motivations qui nous poussent à commettre certains méfaits. Plus encore, il donne aux lecteurs la possibilité de s’interroger sur les conséquences de nos actes.

Reprenons notre histoire de harcèlement et d’arroseur arrosé. Imaginons par exemple que l’une des victimes de l’anti-héros finisse par se suicider. Comment l’anti-héros va-t-il se sentir ensuite ?


Créer un personnage anti-héros : les mécanismes dramaturgiques


Caractériser l’anti-héros

D’un point de vue dramaturgique, le personnage anti-héros se crée de la même manière qu’un personnage classique.

Il vous faut donc réfléchir à :

  • un objectif,
  • une faille qu’il lui faudra résoudre (optionnel),
  • un ou plusieurs défauts très prononcés,
  • un passé,
  • des centres d’intérêt,
  • un univers social, technique et culturel,
  • et un tissu relationnel.

Je fais ici une petite différence entre la faille et le défaut. Selon John Truby, la faille du personnage correspond à un défaut que le personnage doit résoudre à la fin du récit. Le défaut correspond quant à lui à un trait de caractère indésirable du personnage. L’anti-héros peut ainsi avoir une faille à résoudre, mais aussi être affublé d’autres défauts qui ne seront jamais vraiment adressés dans l’histoire.

Si vous souhaitez creuser la caractérisation de vos personnages, je vous conseille ma méthode des 5 pourquoi.

La nécessité d’accroître le défaut de l’anti-héros

Ce qui caractérise l’anti-héros selon moi, c’est que sa faille ou ses défauts sont très prononcés par rapport à d’autres personnages. C’est ce qui fait de lui un personnage anti-héros en plus de ses actions ou choix répréhensibles sur le plan moral.

Par exemple, un anti-héros n’est pas seulement peureux : il est extrêmement peureux. La moindre situation de conflit le fait défaillir, que ce soit physique, social ou même psychologique. De cette manière, le lecteur comprend que ce personnage ne pourra pas changer sur certains points.

On peut prendre un autre exemple de série télévisée : Adrien Monk. C’est un détective qui souffre de troubles obsessionnels compulsifs très lourds. Dès le début, le téléspectateur sait que cet anti-héros ne résoudra jamais tous ses problèmes complètement.

Dans un autre genre, si on reprend Walter White de Breaking Bad, son défaut est beaucoup moins visible : il a une revanche à prendre sur la vie (le fait qu’il a été écarté d’une entreprise qui aurait pu le rendre riche et qu’il a terminé comme professeur de chimie dans un lycée), et son cancer lui donne des excuses pour se lancer dans le trafic de drogue.

La nécessité de rendre le personnage anti-héros très attachant

Si la fiction a pour ambition d’imiter la réalité, elle doit néanmoins prendre en compte certains besoins dramaturgiques. En effet, une histoire n’existe que parce qu’elle est lue. Or, une des raisons qui poussent les lecteurs à lire un roman, c’est l’attachement qu’ils éprouvent pour les protagonistes. Le personnage anti-héros n’échappe pas à cette règle.

Pour rendre un anti-héros attachant, il existe plusieurs méthodes.

Une compétence ou qualité extraordinaire

La première d’entre elles consiste à lui donner une compétence ou une qualité extraordinaire qui contrebalance ce défaut très prononcé. Cette dernière va rendre votre personnage fascinant pour le lecteur.

Si l’on reprend l’exemple du Dr House, celui-ci est aigri et détestable. Pire encore, il prend plaisir à humilier les autres. Cependant, il possède une compétence incroyable : il est capable de diagnostiquer des maladies très complexes grâce à un sens de l’observation très aigu. Le sel de cette série télévisée est ainsi de découvrir comment le Dr House va trouver une solution au problème de ses patients. Dans le cas de Walter White, c’est son intelligence et son ingéniosité qui font tenir la série.

Un passé difficile ou des circonstances atténuantes

La deuxième consiste à donner à votre personnage un passé difficile ou des circonstances qui aident le lecteur à s’identifier au personnage ou à comprendre pourquoi il comporte de cette manière. En bref, il s’agit de générer de l’empathie.

Par exemple, le Dr House est détestable, accroc aux anti-douleurs et aigri, car il a subi un accident et que sa jambe blessée le fait souffrir en permanence. Cela ne justifie pas ses actions, bien entendu, mais cela permet au lecteur de mieux le cerner.

Un objectif noble ou compréhensible

La troisième méthode pour rendre un personnage anti-héros attachant consiste à donner à votre protagoniste un but noble ou compréhensible pour le lecteur.

Le but noble du Dr House, c’est de sauver ses patients. Dans le cas de notre histoire de harcèlement, le but compréhensible de notre personnage, c’est de se tirer d’une situation très délicate.


Conclusion


Le personnage anti-héros permet au lecteur d’explorer une autre facette de l’humanité, plus en nuance et en réalisme que le héros.

L’anti-héros se caractérise comme un personnage classique. Cependant, il est important d’accentuer le défaut de l’anti-héros, mais de lui donner en contrepartie une compétence ou une qualité extraordinaire, un contexte compréhensible pour le lecteur ou une motivation noble. De cette manière, votre anti-héros sera plus attachant pour le lecteur.

Cependant, quelle que soit la caractérisation de votre personnage, que ce soit un anti-héros ou un personnage de science-fiction, la conception ne fait pas tout. En effet, il est important de connaître les techniques pour faire vivre votre personnage.


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