Donner à votre lecteur l’impression que vos personnages sont réels, c’est fondamental. En effet, ce sont les personnages qui incarnent votre récit. Ce sont également eux qui suscitent l’intérêt de vos lecteurs pour l’histoire. Des personnages trop plats ou insuffisamment fouillés vont ennuyer les lecteurs, qui passeront à un autre roman. Faire vivre un personnage de roman est donc une compétence à part entière pour un auteur.
Peu importe le genre de votre roman (science-fiction, policier, romance) ou le type de personnage que vous souhaitez créer (antagoniste, anti-héros, etc.), il y a une partie conception. Pour certains écrivains, cela passe par des processus comme des fiches personnages ou des schémas. Mais d’autres romanciers fonctionnent très bien à l’instinct. Ils ont une vision claire de qui est leur personnage. Je vois aussi une troisième catégorie : ceux qui découvrent leurs personnages au fur et à mesure qu’ils écrivent la première version de leur roman.
Beaucoup d’auteurs travaillent des heures et des heures sur la construction de leurs personnages. Ils créent des fiches de personnages. Ils réalisent des schémas évolutifs de leur protagoniste en fonction de leur structure narrative. Pourtant, lorsqu’ils écrivent leur roman, certains romanciers doivent se rendre à l’évidence : leurs personnages sont plats, sans vie. Pourquoi ? Parce que faire vivre un personnage de roman est une affaire complexe.
De mon point de vue, la partie conception, c’est juste la face visible de l’iceberg. Faire vivre un personnage de fiction nécessite en effet d’employer dans votre texte plusieurs techniques pour donner à votre lecteur une illusion de réalisme.
C’est ce que je souhaite aborder avec vous dans cet article.
Le Show et le Tell
La définition du Show et du Tell
Je vais éviter de trop m’étendre sur le Show et le Tell : ces deux notions sont dignes à elles seules de dizaines d’articles. Néanmoins, il me semble difficile de vous expliquer comment faire vivre un personnage de fiction sans les évoquer.
Le Show et le Tell sont deux notions fondamentales qu’il vous faut maîtriser si vous écrivez un roman. Plus important encore, ce sont deux notions qui impactent :
- la manière dont vos lecteurs percevront vos personnages ;
- et les émotions que vos personnages susciteront à votre lectorat.
C’est pourquoi je vous en parle ici.
Le Show consiste à montrer l’histoire. Par exemple :
« Pierre s’assit dans la voiture. Comme d’habitude, le pare-brise était gelé. Il poussa un soupir de lassitude, puis donna un coup de poing contre son volant. Pourquoi avait-il décidé de déménager en Finlande alors qu’il détestait le froid ? Il aurait pu opter pour l’Espagne, l’Afrique du Sud ou même le Mexique. Non, il avait choisi la Finlande.
— Je hais ce pays, murmura-t-il en allumant le moteur. »
Le Tell, au contraire, vise à raconter l’histoire.
« Incapable de retenir sa frustration à cause du froid et de son emménagement en Finlande, Pierre donna un coup de poing contre le volant. Puis, il se rendit au travail en voiture ».
Utiliser le Show et le Tell
Je vois souvent érigé en dogme le fameux « Show it, don’t Tell it ». Littéralement : « Montre-le, ne le raconte pas ». Pourquoi est-ce un dogme ? Parce que le Show ET le Tell ont une utilité dans l’écriture d’un roman. Tous les deux sont complémentaires.
Vous utiliserez le Show lorsque vous souhaiterez rendre immersives vos histoires. Vous désirez provoquer des émotions chez votre lecteur ? Ou que celui-ci se projette à la place de votre personnage ? Qu’il éprouve de l’empathie pour votre protagoniste ? Alors le Show se révélera votre outil de prédilection.
Au contraire, le Tell vous aidera à introduire de la distance entre le personnage et le lecteur. Et introduire de la distance entre le personnage et le lecteur à certains moments du récit, c’est fondamental (notamment en Young Adult et en jeunesse). Pourquoi ? Parce que cela permet de donner au lecteur la possibilité de prendre du recul sur ce qu’il lit, de le guider et de mettre des mots sur certains comportements.
Bref, le Tell vous permet d’être précis quand le Show reste source d’interprétation pour le lecteur.
Faire vivre un personnage de roman par le langage corporel
Connaître vos personnages, c’est fondamental pour les mettre en scène de manière réaliste et individualisée. Un facteur qui permettra à vos lecteurs de comprendre vos personnages et de les rendre vivants à leurs yeux, c’est le langage corporel.
Tout le monde exprime ses émotions de manière différente. Prenons par exemple une situation courante en littérature : votre personnage est en difficulté, et il est en proie à un stress intense.
Il suffit d’observer vos contemporains pour constater que tout le monde ne réagit pas de la même manière aux mêmes stimuli. En l’occurrence, il pourrait :
- se ronger les ongles ;
- avoir une crise d’asthme ;
- se gratter les cheveux ;
- faire de l’eczéma ;
- faire une crise de panique ;
- etc.
C’est ici que la construction de vos personnages entre en ligne de compte. Si vous ne l’avez jamais fait, je vous encourage à utiliser ma méthode des 5 pourquoi pour concevoir des personnages complexes. En effet, en fonction de leur caractérisation, chacun de vos personnages réagira physiquement d’une manière qui lui est propre.
Faire vivre un personnage de roman par les actions
Reprenons notre exemple du personnage qui subit une situation de stress intense. Il trahira ses émotions par le langage corporel. En sus, il réagira à ce stimulus à sa manière. Par exemple, le personnage :
- s’en prend à un proche pour évacuer son stress ;
- fume ;
- serre les dents ;
- fait du sport ;
- parle à un ami ;
- boit un verre d’alcool ;
- couche avec quelqu’un ;
- etc.
Faire vivre un personnage de roman, ce n’est pas seulement avoir une fiche descriptive. C’est aussi imaginer, comprendre et représenter comment votre personnage réagit à certaines situations.
Faire vivre un personnage de roman par le monologue intérieur
Les pensées ou le monologue intérieur sont au cœur même de la caractérisation de votre personnage. De mon point de vue, il se révèle extrêmement difficile de faire vivre un personnage de roman en ne montrant que son langage corporel ou ses actions. C’est d’ailleurs pour cette raison que le point de vue externe est aussi peu employé en littérature.
Tout être humain se construit une réalité en fonction de son vécu, de son environnement, de sa famille et ainsi de suite. Chaque personne se raconte une petite histoire intérieure. Pourquoi je suis comme ci ? Pourquoi ma compagne est-elle comme ça ? Etc. Et selon ces histoires, l’individu prend des décisions qui pour lui sont rationnelles.
Faire vivre un personnage de fiction revient donc à imaginer l’histoire que se raconte votre personnage dans sa tête, à la retransmettre à votre lecteur de manière vivante et à montrer comment cela impacte les décisions de votre personnage dans l’histoire.
C’est quelque chose de très difficile à réaliser, car cela signifie se mettre entièrement à la place du personnage. La seule analogie que je puisse trouver, c’est celle d’un acteur qui entre dans son rôle. L’acteur ne se contente pas d’apprendre ses tirades ; il se met dans la peau de son personnage. Et pour cela, malheureusement, une fiche personnage ne vous sera d’aucune utilité. C’est votre capacité à l’empathie qui vous le permettra.
Un monologue intérieur réussi est l’assurance d’un personnage vivant qui touchera votre lecteur.
Faire vivre un personnage par le dialogue
Au même titre que la façon dont votre personnage réagit dans l’adversité, le dialogue est un révélateur de la psychologie de votre personnage. Chacun s’exprime à sa manière. Le langage utilisé par un personnage dépend de son éducation, de son milieu d’origine, de sa culture, de ses obsessions personnelles et aussi de son vécu.
Si j’écris :
« — Diantre, vous exhibez là, ma très chère fille, un comportement qui ne sied point à votre rang. »
Ou si j’écris :
« — Bordel, tu n’as pas fini de me faire honte ! »
D’emblée, en tant que lecteur, vous faites des inférences différentes sur la psychologie ou l’origine sociale du personnage.
Conclusion
Faire vivre un personnage de fiction est difficile. Cela va bien au-delà d’une simple fiche personnage. Cela consiste à :
- se mettre dans la peau du personnage,
- comprendre l’histoire qu’il se raconte dans sa tête,
- saisir la manière dont il pense,
- retranscrire le monologue intérieur,
- comprendre ses réactions face à ses émotions ;
- traduire ses émotions en langage corporel ;
- et utiliser les dialogues pour retranscrire par exemple son univers socioculturel.
Bref, c’est un exercice qui demande à l’auteur d’avoir beaucoup d’empathie. Néanmoins, si vous réussissez votre coup, alors le lecteur aura l’impression de lire les aventures d’un personnage réaliste. Plus encore, le lecteur éprouvera des émotions à l’égard de votre personnage, ce qui est fondamental pour son expérience de lecture.