Écrire un roman : comment écrire au point de vue omniscient ?

Vous souhaitez écrire votre roman en utilisant le point de vue omniscient, autrement appelé focalisation zéro ? Cependant, vous ignorez comment procéder. Et c’est normal. Écrire au point de vue omniscient, c’est technique et plutôt très difficile à réussir, contrairement à ce que certains pourraient croire.

De plus, je vois de nombreux auteurs confondre le point de vue omniscient et le point de vue interne. En effet, tous les deux sont écrits à la troisième personne du singulier. Et ce genre de confusions peut avoir de très lourdes conséquences pour votre roman.


Écrire au point de vue omniscient : une erreur courante


Il y a quelques semaines encore, je lisais le texte d’une autrice. Elle n’a jamais publié ses romans, mais elle en a déjà écrit un certain nombre. En toute honnêteté, j’aime beaucoup ses histoires que je trouve à chaque fois très intelligentes. Et elle a énormément progressé depuis la première fois où je l’ai bêta-lue.

En lisant son nouveau texte, j’étais frappé par le fait qu’elle était persuadée d’avoir raconté son histoire au point de vue interne. Plus encore, parce qu’il s’agissait d’une histoire complexe, elle avait opté pour une narration chorale avec plusieurs personnages. Pour cette raison, elle a essayé de donner une voix à chacun de ses narrateurs. Ce faisant, elle a commis une grosse erreur.

Pourquoi ? Parce que d’un point de vue purement technique, la focalisation de son narrateur, c’est-à-dire la manière dont le narrateur racontait les événements de l’intrigue était typique d’une narration omnisciente avec un narrateur que je qualifierais d’effacé.

En conséquence, son roman m’a donné l’impression d’avoir un narrateur omniscient qui raconte l’histoire et change de personnalité à chaque fois qu’il passe à un nouveau personnage. La lecture des extraits était donc très déroutante. En effet, comme ce n’était pas ce qu’elle souhaitait faire pour son roman, le processus d’écriture n’était pas réfléchi ou abouti et cela m’a donné en tant que lecteur une impression d’écriture non maîtrisée.

Je ne vous cache pas que retravailler son texte de fond en comble va lui prendre énormément de temps, surtout que le roman fait tout de même 800 000 signes.

Pour vous éviter de commettre une telle erreur, j’ai eu envie d’écrire cet article. Pour ce faire, je vais donc partir des bases en définissant le point de vue omniscient, puis en vous donnant quelques astuces d’auteur pour bien le maîtriser.


Qu’est-ce que le point de vue omniscient ?


Les caractéristiques du point de vue omniscient

Le narrateur omniscient

La principale caractéristique de la focalisation zéro, c’est le narrateur, qui sait tout sur tout. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’on surnomme ce point de vue narratif « point de vue omniscient ». Ainsi, le narrateur peut accéder aux pensées de plusieurs personnages ou passer d’un personnage à un autre. Plus encore, il a accès au passé, au présent et au futur. Il pourrait même narrer au lecteur la création de l’univers si cela rentrait dans le cadre du roman.

Généralement, un roman écrit au point de vue omniscient est rédigé à la troisième personne. Par exemple :

« Marie recoiffa ses cheveux auburn qui reflétaient autour d’elle les rayons du soleil. Dans le même temps, elle repensa aux événements de la journée. Notamment sa rencontre avec Paul. Pourquoi Paul lui avait-il demandé des nouvelles de sa sœur ? Elle avait beau rechercher, elle ne trouvait aucune explication rationnelle.

Marie n’apprendrait que deux jours plus tard, lors d’un bal de charité, que Paul entretenait une relation extraconjugale avec sa sœur. Cependant, en cet instant précis, Marie était encore à mille lieues de soupçonner quoi que ce soit au sujet de cette infidélité. Et ce fut sa plus grave erreur ».

Le narrateur omniscient a une vision subjective des événements qu’il narre. Il peut ainsi avoir une opinion très précise sur la situation. Ou alors, avoir un ton très particulier et reconnaissable. Le rôle du narrateur est en effet de créer de la distance entre les personnages et le lecteur. Pourquoi ? Parce que cela aide le lecteur à porter un jugement sur l’histoire et les actions des personnages.

Le cas particulier du narrateur-personnage omniscient

À ma connaissance, il existe néanmoins une exception à cette règle : c’est le narrateur-personnage omniscient, qui raconte l’histoire à la troisième personne, mais utilise la première personne du singulier pour donner son opinion. Par exemple :

« Le visage de Marie était déformé par une grimace hideuse.

— Comment cela ? balbutia-t-elle. Paul me trompe avec ma sœur ?

Marie pensait que cette information était absurde. En plein déni, elle rassembla ses souvenirs pour essayer de prouver à son interlocuteur qu’il se trompait.

L’attitude de Marie était digne d’une autruche. À sa place, je serais allé directement voir mon mari pour lui écraser les… »

Différentier le point de vue omniscient du point de vue interne et du point de vue externe

Distinguer ces trois points de vue narratifs, c’est, je pense, ce qui est le plus difficile à maîtriser dans l’écriture à la troisième personne. Il est en effet parfois compliqué de trouver le bon équilibre, et le basculement vers l’un ou l’autre des points de vue peut survenir en un instant à cause d’un mot ou d’un angle de vue maladroit.

La différence entre point de vue omniscient et point de vue externe

Il y a deux différences principales entre ces points de vue.

En point de vue externe, le narrateur ignore les pensées des personnages. Le narrateur est spectateur de ce qu’il se passe dans l’histoire : il ne fait que décrire les événements d’un point de vue extérieur.

La seconde grande différence, c’est qu’en focalisation externe le narrateur raconte l’histoire sans introduire de subjectivité. Il n’aide donc pas le lecteur à décrypter les faits en leur proposant une analyse ou une explication. C’est au lecteur d’interpréter les faits par lui-même.

Par exemple, en focalisation externe :

« Une grimace déforma le visage de Marie.

— Comment cela ? balbutia-t-elle. Paul me trompe avec ma sœur ?

Les yeux fixés dans le vide, la quarantenaire passa ses doigts fins et finement manucurés dans ses cheveux. »

La différence entre le point de vue omniscient et le point de vue interne

Le point de vue interne limite la focalisation du texte à celle d’un seul personnage. Le lecteur aura ainsi accès aux pensées du personnage narrateur. Il saura la même chose que le narrateur, mais pas plus.

En focalisation interne, l’objectif est de créer un attachement fort entre le personnage et le lecteur, ce qui implique d’abolir le plus possible les distances entre les 2. Il n’est donc pas possible d’avoir accès aux pensées de plusieurs personnages à la fois.

Par exemple :

« — Comment cela ? balbutia Marie. Paul me trompe avec ma sœur ?

Elle se passa la main dans les cheveux. Non, ce n’était pas possible. Paul ne pouvait pas l’avoir trompée avec Lisa. Ils se voyaient tout au plus trois fois par an. Et Lisa vivait à huit cents kilomètres de leur maison. Ils ne pouvaient pas coucher ensemble ! C’était tout simplement trop difficile d’un point de vue pratique. »


Écrire au point de vue omniscient : astuces d’auteur


Définir le ton de votre narrateur

À mon sens, définir le ton du narrateur est l’une des premières choses à réaliser lorsque l’on écrit un texte en narration omnisciente.

Pour quelle raison ? Tout simplement parce que cette tonalité va se retrouver dans l’ensemble du texte. Si votre narrateur est de nature malicieuse, la malice ressortira dans le vocabulaire utilisé ou dans sa manière de retranscrire les événements qu’il relate.

Et pour définir le ton du narrateur, à mon avis, la première question à se poser c’est : quel effet voulez-vous avoir sur le lecteur ? Et bien entendu, quel type de roman vous souhaitez écrire.

Par exemple, vous voulez écrire un roman comique, choisir un narrateur avec un ton décalé est une bonne stratégie. Au contraire, si vous souhaitez écrire un roman philosophique, alors votre narrateur aura plus de chance d’avoir un ton sérieux, voire pédagogique.

Introduire de la distance avec les personnages

Il existe plusieurs manières d’introduire de la distance entre le lecteur et les personnages.

Affubler le personnage d’un sobriquet

Par exemple, au point de vue interne, on pourrait écrire :

« Xavier rentra dans la voiture ».

Cependant, au point de vue omniscient, où le narrateur a une opinion sur la situation et les personnages, cette phrase pourrait se transformer en :

« Le jeune vaurien avec son air faraud rentra dans sa grosse voiture rouge très polluante ».

J’ai peut-être forcé le trait ici, mais il m’a semblé important de le faire ici. Car je vois très souvent cette erreur. Si vous écrivez en point de vue interne, c’est pour moi une erreur d’affubler votre personnage narrateur d’un surnom de type « le jeune vaurien ». Est-ce qu’il se désigne lui-même ainsi ? C’est peu probable. Et pour moi, c’est le jugement que porte une tierce personne sur lui. C’est pourquoi, en point de vue interne, il est préférable d’utiliser le prénom de votre personnage narrateur plutôt qu’un surnom ou une périphrase pour éviter une répétition.

En revanche, c’est ce qui est attendu au point de vue omniscient, car cela guide le lecteur en lui donnant des clés d’interprétations et un jugement sur la situation. À ce sujet, il me semble important de préciser qu’il vaut mieux éviter d’avoir plus de 1 surnom par personnage. En effet, ils sont très souvent à l’origine de confusion pour le lecteur.

Présenter les personnages

Présenter les personnage, c’est une action qui peut se révéler difficile en point de vue interne, surtout avec vos personnages point de vue. Pourquoi ? Parce qu’un personnage point de vue ne se présente pas nécessairement au lecteur (sauf si c’est un narrateur-personnage omniscient). Il ne va pas dire qu’il est intelligent. Cela donnerait en plus au lecteur une impression d’arrogance. Il ne va pas non plus penser à vous détailler les éléments importants de sa vie, surtout s’il est en pleine action. Le narrateur-personnage sera en plus incapable de réaliser une étude psychologique de sa personne pour expliquer pourquoi il en est venu à aimer les grosses voitures rouges très polluantes. Il les aime tout simplement. Et il ne va pas non plus trop prendre le temps de se décrire.

En revanche, le processus que je viens de décrire est très courant en narration omnisciente. En effet, le narrateur étant extérieur à l’histoire, il a tout le loisir de prendre le temps de décrire le personnage sur le plan interne et externe. Cela permet au lecteur de comprendre le personnage et ses actions en quelques lignes. Et cela l’aide également à savoir à quoi il ressemble.

Passer d’un personnage à un autre

Vous avez plusieurs protagonistes, et vous souhaitez passer des pensées d’un personnage à un autre ? À mon sens, c’est une action très difficile à réaliser dans une narration. D’un point de vue technique, vous pouvez le faire n’importe quand sans commettre une erreur de point de vue. Cependant, pour le lecteur, le passage de l’un à l’autre s’avère parfois raide ou confus.

Bien souvent, une telle action nécessite une transition. Par exemple, vous êtes dans les pensées de Paul. Paul pense à Marie, qui est assise à côté de lui. Et vous en profitez pour embrayer avec une phrase du type :

« De son côté, Marie pensait que Paul était la plus grosse crevure de l’univers ».

Parfois, un retour à la ligne est nécessaire. C’est notamment le cas lorsque vous êtes entré très profondément dans la psyché du personnage. Dans ce cas-là, il peut être intéressant de marquer physiquement sur la page le passage d’un personnage à un autre pour que le lecteur le comprenne.

Une autre possibilité s’avère de rester en surface, sans trop pénétrer dans la psyché des uns et des autres. L’objectif dans une telle situation s’avère tout simplement de décrire en un mot ou deux ce que chacun pense. Par exemple :

« Marie pensait que Paul était une crevure, Paul trouvait que Marie avait mal vieillie et Lisa ne les supportait plus ni l’un ni l’autre. Bref, ils étaient tous les trois très bien assortis. »


Conclusion


Écrire au point de vue omniscient demande de :

  • bien comprendre les spécificités de ce point de vue,
  • savoir différentier ses attributs des points de vue narratifs externes et internes
  • ne pas brouiller les pistes entre les points de vue pour éviter d’affaiblir la narration.

De plus, il est important de comprendre que le point de vue omniscient consiste à créer de la distance entre les personnages et le lecteur.

Si au contraire vous souhaitez instaurer un rapport de proximité entre le lecteur et les personnages, alors le point de vue interne est une option très intéressante. Si vous souhaitez employer au point de vue interne, j’ai rédigé cet article sur comment écrire un roman à la première personne.


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