Un bêta-lecteur relit votre roman pour vous expliquer ce qui fonctionne dans votre histoire et ce qui pourrait être amélioré. Cependant, chaque relecteur a sa propre subjectivité et vous explique ses ressentis à sa manière. Demander de l’aide à plusieurs bêta-lecteurs vous permet de croiser les avis et d’avoir une vision plus objective de votre manuscrit.
Qu’est-ce qu’un bêta-lecteur ?
Un bêta-lecteur est un relecteur de roman. Son rôle est de tester un manuscrit avec pour objectif :
- de se mettre à la place d’un lecteur qui découvre pour la première fois une histoire ;
- d’explorer ses ressentis face à l’histoire : ce qu’il aime, ce qu’il aime moins ;
- et d’analyser les raisons des dysfonctionnements du manuscrit.
Il doit ensuite rédiger une bêta-lecture, bien souvent sous la forme d’une synthèse ou d’une fiche lecture. Certains bêta-lecteurs amateurs procèdent également à un débriefing oral (par téléphone ou lors d’une rencontre, par exemple dans un bar ou lors d’un dîner entre amis – c’est ainsi que je procédais au début). En effet, pour permettre à l’auteur du roman de bien comprendre les principaux dysfonctionnements de son histoire, il est important que le bêta-lecteur prenne le temps d’expliquer ses ressentis. De même, il lui faut étayer ses analyses avec un ou plusieurs exemples concrets.
Le retour d’un bêta-lecteur est cependant très subjectif. L’auteur doit traiter une bêta-lecture comme un audit de son roman. Certaines des remarques vont aller dans le bon sens. D’autres vont montrer que le bêta-lecteur n’a peut-être pas compris les choses. Dans un cas comme dans l’autre, il s’agit d’informations précieuses sur les améliorations possibles de votre roman.
Deux avis valent mieux qu’un
Un seul bêta-lecteur ne suffit parfois pas à faire passer un message
Un auteur averti en vaut deux. Et parfois, le message est dur à entendre :
- Vous aimez votre manuscrit ;
- Vous y avez mis vos tripes ;
- et pour vous, ce roman est une merveille que tout le monde devrait lire, aimer et dévorer.
Aussi, quand un bêta-lecteur vous remet ses analyses, la tentation est grande de tout simplement ignorer sa bêta-lecture. En tant qu’auteur, vous pouvez ainsi penser que votre relecteur n’a pas compris ce que vous avez cherché à faire avec ce roman. Mais que le reste du public, à commencer par les maisons d’édition, reconnaîtra tout de suite la valeur de votre histoire.
Lorsque vous recevez plusieurs bêta-lectures, dont chacune d’elles pointe les mêmes problèmes, il devient plus difficile de faire l’autruche. C’est l’argument du nombre.
Quel que soit le bêta-lecteur, aucun n’exprime les choses de la même manière
Pour moi, c’est une des plus grandes richesses dans le fait d’avoir plusieurs bêta-lecteurs : chacun s’exprime avec des mots différents. Parfois, chaque relecteur a le même avis sur le roman. Cependant, cet avis est formulé d’une autre manière.
Pourquoi cela me paraît-il important ?
Eh bien, c’est très simple. Les mots sont par nature des concepts, des choses abstraites. Et les individus comprennent parfois un même mot de manière différente. Plus important encore, les bêta-lecteurs agencent les mots aussi de manière différente, en fonction de leur vécu ou de leur culture. En ayant plusieurs fois le même message formulé de différentes manières, vous avez plus de chances de bien comprendre ce que les bêta-lecteurs essaient de vous dire.
Je m’explique : un bêta-lecteur a senti que quelque chose fonctionnait mal dans le roman. Il a identifié un certain nombre de causes possibles. Et il vous les a restituées dans une bêta-lecture. Malgré tous ses efforts pour être clair et précis, vous comprenez de travers ce qu’il a essayé de vous dire. Cela arrive. C’est un problème de communication inhérent à l’espèce humaine : l’incompréhension. Le souci, c’est que vous risquez de retravailler votre roman dans la mauvaise direction parce que vous aurez mal interprété ses propos.
Avoir plusieurs relecteurs, c’est une soupape de sécurité. Parce que les mêmes problèmes seront soulevés plusieurs fois et exprimés de manière différente, il y a de fortes chances pour que vous compreniez mieux les points soulevés.
Chaque bêta-lecteur est complémentaire
Le retour d’un bêta-lecteur est subjectif. Il dépend de nombreux facteurs :
- ses intérêts ;
- sa culture ;
- ses connaissances ;
- ses pratiques de lectures ;
- et son vécu.
D’autres points sont à prendre en considération, mais je ne vais pas m’amuser à rentrer dans tous les détails qui font qu’un individu est unique. 😉 Aussi, chaque relecteur va poser un regard particulier et subjectif à votre manuscrit. Il va y projeter son propre vécu et ses émotions, qui résonnent en lui au travers de vos mots. Le bêta-lecteur va également y projeter ses connaissances, qu’elles soient théoriques ou empiriques.
En recevant plusieurs bêta-lectures, un auteur va donc bénéficier des connaissances et compétences de plusieurs individus. Par exemple, un relecteur est un cavalier émérite. Si vous avez des passages où vos protagonistes montent à cheval, ce peut être un appui fabuleux pour améliorer le réalisme de vos scènes. Autre exemple, dans un registre différent cette fois-ci. Un de vos relecteurs a vécu une rupture amoureuse très difficile. Et votre scène de séparation, qui pourtant vous semble très réussie, lui paraît fade. Il va alors vous expliquer pourquoi, avec ses propres mots et son vécu. Et au travers de son expérience, vous allez obtenir des éléments, des points de détail qui vous permettront de rendre cette rupture amoureuse plus poignante encore.
Enfin, cela vous permet aussi de prendre du recul par rapport à la subjectivité intrinsèque à la bêta-lecture.
Bêta-lecteur : à combien de relecteurs ai-je fait appel sur mon dernier roman ?
Le nombre de mes relecteurs
Bien souvent, un exemple est plus parlant qu’une longue explication. Je vais donc exposer mes pratiques personnelles en m’appuyant sur le roman que je viens tout juste de terminer. En tout et pour tout, j’ai fait appel à 11 bêta-lecteurs différents. Oui, vous avez bien lu. 11 bêta-lecteurs. Cependant, ils sont chacun intervenus à des étapes différentes de mon manuscrit :
- 3 d’entre eux ont bêta-lu un synopsis détaillé au moment où j’entamais la première vague de corrections ;
- 2 d’entre eux ont bêta-lu mon manuscrit en entier ;
- 5 d’entre eux ont bêta-lu des extraits de 2 500 mots, lorsque je procédais à des tests à la suite des retours sur le manuscrit entier ;
- et 2 d’entre eux on bêta-lu le synopsis de soumission que j’ai envoyé aux maisons d’édition avec qui je souhaitais travailler.
Pour les aficionados des mathématiques qui sont arrivés à un compte de 12, une bêta-lectrice a relu mon synopsis de travail et mon synopsis de soumission éditorial. Elle m’a donc aidé 2 fois. 😉
Ce qu’ils m’ont apporté
Ce manuscrit revient de loin. Chacun de ces bêta-lecteurs a contribué à sa façon à le faire progresser.
Le fond de l’histoire
À la phase du synopsis détaillé, mes bêta-lecteurs m’ont adressé plusieurs signaux d’alerte sur :
- la structure de l’histoire ;
- la difficulté d’entrer en empathie avec les actions de mon personnage (comprenez : il fallait que je travaille ses émotions en réponse à ses actions peu recommandables ; il fallait aussi que je retravaille sa caractérisation) ;
- et un certain nombre de questions non résolues (notamment le pourquoi de ce récit).
J’ai donc procédé à une réécriture à 70 % environ de ce roman. Avant d’envoyer la nouvelle version de mon manuscrit à 2 bêta-lecteurs. Leurs retours m’ont permis de :
- confirmer le fait que mon intrigue fonctionnait bien (sauf la fin qui manquait de clarté) ;
- prendre conscience que je la solution que j’avais trouvée pour corriger les questions non résolues (le pourquoi de l’intrigue) ne fonctionnait pas ;
- me rendre compte que mon protagoniste, même s’il était bien caractérisé, était trop mis à distance dans la narration, ce qui empêchait le lecteur de bien le comprendre ;
- donner une plus grande place à des personnages secondaires pour rééquilibrer l’intrigue.
La forme de l’histoire
Comme une partie des problèmes soulevés étaient liés à un problème de forme (un mauvais équilibre entre le Show et le Tell), j’ai fait appel à des relecteurs sur un extrait. Et ces derniers m’ont apporté des conseils, chacun à leur manière, sur certains de mes tics d’écriture et sur les moments où j’aurais gagné à utilise le Show. Une fois que j’ai eu tout cela en main, j’ai pu reprendre tout mon manuscrit.
L’envoi éditorial
Enfin, les bêta-lectrices qui ont travaillé sur mon synopsis de soumission éditoriale m’ont aidé à écrire un résumé clair de mon histoire. Plus important encore, elles ont soulevé toutes les deux un problème structurel que je n’avais pas entièrement résolu. Pourquoi ? J’avais mal compris les avertissements des relecteurs précédents. C’est une expression utilisée lors du tout dernier retour qui m’en a fait prendre conscience. (oui, je fais partie des auteurs qui ont du mal à entendre / comprendre un message 😉 ). Au bout d’un moment, l’un de me bêta-lecteurs finira par trouver le mot juste. 😉
Conclusion
Dans ma fiche pratique sur l’intérêt d’engager un bêta-lecteur professionnel, j’évoquais une autrice maintes fois publiée qui changeait de bêta-lecteurs très souvent. Et je la comprends. Je fonctionne exactement de la même manière. J’essaie de bénéficier ici et là de l’expérience d’autres auteurs tout en redistribuant moi-même cette expérience auprès des auteurs que je bêta-lis. En effet, je considère que la relation entre auteur et bêta-lecteur est une relation basée sur un enrichissement mutuel.
Cependant, il n’est pas toujours aisé de trouver un bêta-lecteur et encore moins de le choisir.
Et vous ? À combien de bêta-lecteurs avez-vous confié votre manuscrit ?